Nous étions quelques dizaines à retrouver Anna – la dame du Délit Maille – sur le parvis de la gare de l'Est dimanche dernier, afin de lui remettre les vêtements tricotés pour son armée en laine et nous faire une idée du rendu final. L'occasion aussi de vêtir les «tout nus», et participer ainsi au processus complet de préparation de l'expo qui débutera aux premiers jours de décembre.
J'avais lu que chaque pantalon pesait 2 g. Les miens sont plus lourds, et j'en aurai tricoté un peu plus de dix-neuf. J'avais bien vu qu'il ne me restait pas suffisamment de fil pour un vingtième, j'ai pensé que quelqu'un d'autre pourrait le terminer mais il n'y en aura pas besoin (un véritable trafic de bouts de laine s'est mis en place au cours des mois…).
J'étais repartie de la réunion précédente avec une pelote pour, cette fois-ci, tricoter des redingotes. Quand quelques semaines plus tard Anna a lancé un appel à renforts je me suis portée volontaire pour une nouvelle série de ces manteaux. Les pantalons, tricotés aux aiguilles 2, venaient dans les proportions demandées par le modèle. Je les ai reprises pour le premier paletot mais, bizarrement, il s'est avéré trop petit et j'ai poursuivi aux aiguilles 2,5. Toujours selon les indications données, j'ai commencé par coudre les pièces pour les assembler. N'étant pas satisfaite du résultat, j'ai continué en fermant les épaules à trois aiguilles et en montant directement les poches sur le corps, réduisant ainsi le temps de couture et le nombre de fils à couper et rentrer.
Engagez-vous, rengagez-vous, qu'ils disaient…
Beaucoup de monde s'est approché pour nous voir à l'ouvrage, admirer et photographier le résultat sur les tables, et discuter. La plupart des soldats en laine sont français mais toutes les forces en présence seront représentées. Anna avait pris soin de mettre dans sa valise un prototype de la plupart d'entre eux. Certains étaient déjà là au printemps dernier, d'autres ont vu le jour depuis…
Un Belge au pompon rouge, à côté d'un Brésilien (le Brésil a surtout envoyé du personnel médical, si j'ai bien compris). Derrière eux, un représentant de l'Empire britannique, déjà vu en avril, près d'un Russe.
Un Écossais, un soldat dont je n'ai pas retenu la nationalité (si quelqu'un sait…) Italien (merci Fil Follet !), un Américain. On devine le casque à pointe d'un Allemand derrière l'Écossais. Je crois me souvenir d'un Ottoman mais je ne l'ai pas retrouvé sur mes clichés, et j'ai appris qu'il y aura aussi des infirmières.
Inde.
Indochine.
Étranges sensations, que celles d'habiller ces petits personnages. Celle de s'adonner à un rituel vaudou, et la pensée de ces millions d'hommes pas en laine qui n'en reviendront pas indemnes, de ces millions d'hommes de chair et d'os qui n'en reviendront pas. La pensée d'un arrière-grand père dont je n'ai connu que deux clichés dont le souvenir même s'estompe, revenu les poumons en charpie avant de laisser sa fillette de cinq ans à jamais inconsolable.
Chapeau à celles qui ont tricoté les minuscules accessoires. Le travail a dû leur paraître interminable.
Ce rendez-vous se déroulait dans le cadre de l'éphémère installation de l'Association pour l'histoire des chemins de fer, 1914-2014, du pain et des liens.
Prochaine étape : Lille…
Au retour, avant de s'engouffrer dans le métro, découvrir les photos de Didier Pazery.
Entre les mains de ces très vieilles personnes, une photo d'elles datant des années de la Première Guerre mondiale.
Il n'y a quasiment plus de témoins directs de cette période et nous sommes maintenant les hommes qui ont vu les hommes qui ont vu…
On trouvera de meilleurs clichés sur la page Facebook de l'expo.
J'ai vogué de blogues en blogues à la lecture de ton billet et mes yeux se sont embués un moment, là où un texte parle des « vies minuscules ».
RépondreSupprimerPour cette guerre-là, nous sommes les gens qui ont vu les gens qui ont vu… Et pour les guerres actuelles —parce que l'humanité est vraiment dure de comprenure, comme on dit chez moi— nous sommes les gens qui voient. Et qui ne voient pas.
Ce doit être un texte d'Anna… As-tu vu les vidéos ?
RépondreSupprimerJe dois dire que je trouve le monde actuel de plus en plus effrayant, et je tremble souvent. Pas pour moi, qui suis rendue à mi-chemin et peut-être même plus loin, tu dois bien t'en douter…
Superbe projet en tout cas ! L'exposition de décembre devrait etre impressionnante.On suivra ça de près !
RépondreSupprimerMerci pour le reportage, les films et les photos !
RépondreSupprimerTes photos sont très chouettes et montrent bien l'atmosphère de cet après-midi. C'est amusant de découvrir sur la toile, par blog interposé, que l'on participe au même projet ! A bientôt.
RépondreSupprimerMerci pour ce beau reportage très complet et pour le lien vers chez moi !
RépondreSupprimerJe viens de mettre en ligne quelques-unes de tes photos. Merci encore de m'y avoir autorisée !
RépondreSupprimerEx-prof
blogdeprof.fr
P.S. Le soldat au grand chapeau à côté de l'écossais est un italien.
RépondreSupprimer@Ex-prof : pas de problème, je suis pour le partage des choses :-)
RépondreSupprimer@Fil follet : mais bon sang mais c'est bien sûr, un Belge ! Je vais rectifier mon texte, merci !
Hihi, non, pas un belge, un italien !!! :-)
RépondreSupprimerOuhla, je suis à la ramasse, je m'en vais de ce pas corriger de nouveau. Décidément :-)
RépondreSupprimerMerci de ta vigilance !
Je me console de n'avoir pas pu me joindre à vous( pour cause de départ en vacances...) grâce à ton article très complet et touchant.
RépondreSupprimer@miss T : merci ! J'avoue avoir été un poil déçue quand j'ai compris que tu n'y serais pas…
RépondreSupprimerJ'attends maintenant ton reportage sur Bratislava :-)
Le nom de cette ville me fait toujours penser à la chanson de Trenet…
Bonjour,
RépondreSupprimerConnaissez vous une tricoteuse qui pourrait reproduire ces petits soldats en laine?
Merci d'avance!!
C'est pour un cadeau d'anniversaire d'un homme passionné par l'histoire.
@Ducrocq : bonsoir, je ne connais personne qui dispose du modèle des personnages, qui par ailleurs est déposé. Avez-vous tenté de contacter Anna directement ? L'adresse est delitmaille@gmail.com.
RépondreSupprimerCordialement.