Jusqu'au bout je me suis demandé si j'irai, la présence de certains personnages aux mains pas franchement nettes en tête de cortège y étant pour beaucoup. Je ne me sentais pas particulièrement Charlie, plus une humaine pleurant la mort d'autres êtres humains, dont j'avais côtoyé une partie il y a longtemps, même si le contact avait été perdu. Je suis finalement passée outre ces réticences et me suis mise en train un peu avant 14h30 – j'étais censée retrouver des coopanamiens à côté du Cnam vers 15h00. Je n'avais jamais vu autant de monde sur ce quai de la petite ligne 3bis en milieu de journée, et encore moins un dimanche, de même le long de la ligne 3 ensuite. Beaucoup de gens arboraient qui des crayons, qui des pancartes, ou parlaient simplement du rassemblement. Une certaine connivence régnait, et l'on se souriait sans se connaître. Le trajet a été rapide, pas mal de stations avaient été fermées. Celles annoncées la veille dans la presse par la préfecture, et d'autres encore depuis. Je suis remontée à la surface à Réaumur-Sébastopol, et comme la plupart me suis dirigée vers République. Étrangement, la circulation sur le Sébasto était habituelle et créait comme une barrière qui, freinant momentanément la foule, permettait à ceux qui se trouvaient déjà de l'autre côté d'avancer encore un peu. Il m'a tout de même fallu près d'une demi-heure pour parcourir une distance qui habituellement demande tout au plus une dizaine de minutes. Une fois au milieu des gens on entendait régulièrement des vagues d'applaudissements, comme autant de félicitations d'être venus si nombreux pour saluer la mémoire des disparus, affirmer leur refus de vivre dans la peur, leur refus de la barbarie et leur attachement à la liberté d'expression, à la laïcité, à la République aussi imparfaite soit-elle…
La Marseillaise retentissait régulièrement et, si je ne ne pouvais m'empêcher de me dire que les victimes de la rédaction de Charlie auraient préféré L'Internationale, même si je suis de ceux qui aimeraient voir les paroles de l'hymne national changées pour d'autres, moins guerrières, il était agréable de voir que ce chant n'était plus laissé aux seuls nationalistes de tous poils. Il est des contrées où entonner l'hymne national ou arborer le drapeau est naturel, pas ici, sauf dans des occasions précises, où on ne voit en revanche aucun problème à porter des vêtements ornés d'un drapeau américain ou britannique, pour ne citer que ceux-là.
À l'angle de la rue Conté, à deux pas de l'ancien siège du journal.
Aux Arts et Métiers seules trois des personnes que je devais retrouver étaient au rendez-vous. Nous avons attendu les autres un temps avant que deux d'entre elles ne décident d'avancer. Nous sommes restés encore un peu. La foule se densifiant toujours plus nous avons craint de nous trouver coincés si nous avancions et, finalement, commençant à avoir froid, contournant le Cnam par les petites rues pour éviter la cohue qui avait envahi les grandes artères voisines, sommes retournés vers le Sébasto où le flux automobile continuait, imperturbable, prendre nos métro et RER respectifs. Le retour a été encore plus rapide que l'aller, des stations supplémentaires ayant été fermées entre Réaumur et Gambetta, rendant le trajet direct.
On pourrait croire que j'ai calqué mon texte sur le commentaire de ce reportage mézenfait non, pas du tout, je l'ai trouvé après avoir rédigé mon billet…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire