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jeudi 15 décembre 2016

Héros ordinaires

Avant-dernier d'une fratrie de cinq ou six mon grand-père avait dû quitter l'école à treize ans pour travailler et ne plus être à la charge de sa famille – étant donné son âge il n'était pas payé en monnaie sonnante mais en denrées. En 1938, âgé de dix-neuf ans, y voyant une chance de s'instruire, il devança l'appel militaire et fut envoyé au Levant, réparti entre la France et l'Empire britannique à l'issue de la Première Guerre mondiale et en application des accords Sykes-Picot. Quand éclata la Deuxième Guerre mondiale, il y avait passé suffisamment de temps pour, chose plutôt exceptionnelle à l'époque, apprendre quelques rudiments d'arabe. Blessé à la jambe gauche, il fut recueilli par des Druzes qui lui sauvèrent la vie avant de le remettre à la Croix-Rouge britannique qui l'envoya à Malte. Alors qu'il avait été question de l'amputer, cette convalescence en bord de mer lui permit de se remettre. À peine rétabli, se déplaçant encore à l'aide de béquilles, il regagna la France. J'ai cherché des repères chronologiques mais cette région du Proche-Orient était déjà agitée depuis un moment et je n'ai pas réussi à trouver les dates et événements précis.

Avant-guerre, à 17 ans.

Peu après son retour, le lendemain de son anniversaire, il épousa ma grand-mère qui l'avait attendu (ils se connaissaient depuis la communale), et les deux ne tardèrent pas à s'engager dans la Résistance. Mon grand-père était pudique et peu loquace mais ma grand-mère m'a plusieurs fois parlé de cette nuit où alors que des armes étaient étalées sur leur lit on est venu frapper à leur porte, la police ou les Allemands, je ne sais plus, comment mon grand-père et elle avaient caché le tout à une vitesse record dans le four à pain et le bûcher et comment miraculeusement rien n'avait été trouvé. Je me souviens qu'elle m'avait dit qu'il restait peut-être encore des grenades dans ce bûcher, ils n'avaient pas tout retrouvé par la suite. Il se peut aussi qu'elle m'ait dit que ma mère, âgée de quelques mois, se trouvait sur leur lit – ce qui situe les faits à début 1943.


Avec ma mamie et un neveu, jeunes mariés, en 1941.
Mon grand-père était né en août 1918, ma grand-mère en décembre 1921. Elle aurait eu 95 ans cette semaine.
La dame qui porte l'enfant est la maman de ma mamie, celle-là même qui avait travaillé chez les sœurs Tatin.

Elle m'avait également raconté qu'elle circulait à vélo et que les soldats allemands qui l'avaient repérée l'avaient surnommée «Mamzelle mille boutons» en raison des... nombreux boutons qui fermaient sa robe. Ils ne savaient pas que le guidon de son vélo recelait des messages.
À la suite d'une mission qui avait mal tourné un avion britannique avait été abattu. Maman et moi avons toujours entendu parler de plusieurs aviateurs mais un seul repose au cimetière du village, et mes recherches ne m'ont pas permis de découvrir si les éventuels autres corps avaient été rapatriés. Je ne sais donc pas combien de personnes se trouvaient à son bord, mais maman m'a raconté qu'enfant elle avait maintes fois entendu que les nazis s'étaient acharnés avec une telle sauvagerie sur le(s) corps calciné(s) que même les personnes les mieux disposées à leur égard en avaient été choquées. Mon grand-père et son réseau avaient recueilli ces corps et leur avaient donné une sépulture. Plus tard, en revanche, ils recueillirent un autre aviateur grièvement blessé. La Libération était déjà en cours. Un médecin était des leurs. Avec un frère de mon grand-père, celui qui dans mon enfance l'avait aidé à agrandir la maison, ils maquillèrent une voiture en ambulance pour conduire le blessé jusque Chartres, déjà libérée, où il fut tiré d'affaire.


Après le décès de mon grand-père j'avais composé un album avec ces photos de leur jeunesse. J'avais demandé à ma grand-mère de le légender puisqu'elle était la mémoire de cette époque et pour qu'on sache qui était qui, mais elle ne l'a pas fait. Je crois cependant me souvenir qu'elle m'avait dit que les gens sur cette photo et la suivante étaient des camarades de réseau.


Les Solognots ne sont pas grands, en témoignent la hauteur des fenêtres et plafonds, et la taille des embrasures de portes des maisons anciennes. Mon grand-père, avec son mètre quatre-vingts ou presque, faisait figure de géant.

Mes grands-parents vivaient près de la ligne de démarcation. Ils ont caché, hébergé des familles avant de leur faire passer la ligne sans jamais rien demander en contrepartie. 
Mon grand-père a fait évader des gens des camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Il a également pris soin d'une famille de trois personnes, leur portant du ravito. Les parents se cachaient dans un appartement à Paris. Ils travaillaient dans la confection et se sentaient comme protégés puisque, malgré tout, ils travaillaient pour les Allemands. Ils étaient persuadés qu'ils traverseraient la guerre ainsi et n'ont jamais voulu écouter les conseils de fuite qu'on leur donnait. Ils ont fini par se faire prendre et déporter. Mon grand-père avait aidé leur fils à s'évader de Beaune-la-Rolande par deux fois. Après avoir appris que ses parents avaient été arrêtés le jeune homme est allé les retrouver. Aucun des trois n'est revenu, il en a toujours éprouvé du chagrin par la suite. D'autres en ont heureusement réchappé, et certains de ces rescapés leur ont écrit des années durant. Maman m’a raconté que plus  tard, conséquence d’une  dénonciation, mon grand-père avait dû se cacher. Deux de ses frères ont par ailleurs été déportés.
Ma grand-mère m'avait raconté le malin plaisir éprouvé à changer l'orientation des panneaux indicateurs quand les Allemands ont commencé à battre en retraite. Et celui aussi ressenti à barrer la route qui menait de leur village à la nationale d'un arbre abattu dans lequel avaient été cachés des nids de frelons ou de guêpes.


En 1945, avec maman au milieu. Mon grand-père, dont la légende familiale disait qu'il était un peu Raboliot, avait réussi à mettre de côté des peaux de lapin pour lui en faire confectionner un manteau. Il s'était débrouillé, à l'aide de trocs, pour qu'elles soient toutes blanches. La guerre avait pris fin, mais pas les privations ni les pénuries – le rationnement a perduré jusqu'au 1er décembre 1949 –, aussi un tel vêtement était-il un luxe.

Avec maman.

À la Libération, écœurés par les bas règlements de comptes et l'attitude de certains, ils s'étaient mis en retrait et n'ont jamais rien revendiqué.
Ce ne sont que quelques fragments de souvenirs, que je regrette de ne pas avoir couchés sur papier à l'époque où je les ai entendus, comme je regrette de ne pas avoir plus ou mieux questionné ma grand-mère à propos de cette période. 

Avec ma sœur.
Mère et fille. Les trois photos ci-dessus datent de la fin des années 1970, début des années 1980.
Été 1993, à l'arrière du jardin. La partie la plus fleurie se trouvait de l'autre côté de la maison.

vendredi 11 novembre 2016

Et en plus, Leonard Cohen a tiré sa révérence


À partir de treize-quatorze ans j'ai passé des heures à l'écouter attentivement, à copier les paroles de certaines de ses chansons dans des cahiers et à les traduire. Je ne sais plus de quels albums il s'agissait – je m'y perds un peu entre les enregistrements en studio ou en public et les compilations – mais je me souviens que les paroles y figuraient. Le son particulier de sa guitare, les chœurs aériens qui l'accompagnaient, les violons et le timbre de sa voix me rendaient toute chose. Par la suite je me suis attachée à les traduire «à l'oreille». Ce n'était pas compliqué, il articulait si bien (surtout par rapport à un Dylan). Je suppose qu'il a sans le savoir contribué à améliorer mon anglais. Ce matin j'avais vraiment de la peine et mes larmes coulaient toutes seules.


mercredi 23 mars 2016

Bruxelles

Et puis surtout, s'il existe, il est aux abonnés absents depuis bien trop longtemps…

Probablement l'une des chansons les plus reprises depuis hier matin, mais je n'en oublie pas pour autant les autres lieux, tous les gens touchés par la barbarie.

La Ville inquiète, Paul Delvaux.

lundi 1 février 2016

vendredi 1 janvier 2016

Le plein de douceur(s)



Quatorze et quinze n'ont pas de rimes, et d'ailleurs 2015 n'a pas rimé avec grand-chose de bon. Faisons rimer 2016 avec du doux, du joli. Je vous souhaite, je nous souhaite une année la plus clémente possible.

dimanche 29 novembre 2015

13 novembre et après

Rassurer les proches, puis prendre des nouvelles des amis, des copains, des connaissances. Pleurer les morts, et ceux qui devront continuer sans eux, craindre de trouver un nom familier parmi ceux des victimes.


Non loin de la place de la République, le collège de la douce est situé dans ce 11e arrondissement que semblent tant priser les barbares. Penser que, forcément, il y aura des deuils parmi les élèves et les enseignants. Se dire que tout n'est pas désespéré devant les mouvements et messages de solidarité sur les réseaux sociaux. Que la chaleur humaine existe encore. Éviter ensuite la lecture des commentaires au bas des articles de presse publiés en ligne, on connaît les propos de la confrérie des trolls et autres bas du front.
Mon premier réflexe a été de vouloir garder la douce à la maison le lundi suivant, avant de me raviser, mais je déteste la savoir dans le métro entre la maison et le collège.
Espérer qu'un peu de bien sortira malgré tout de tant d'horreur : que ceux qui n'avaient éprouvé aucune empathie en janvier dernier comprennent enfin ce que trament les fous responsables de ces bains de sang. Que les filles qui depuis janvier se drapent tant et plus dans leurs voiles les abandonnent, que les hommes qui arborent crâne tondu et barbe bien au carré cessent cela aussi, qu'ils se distancient de la vision rigoriste de leur dogme, cette vision qui les exclut de leurs semblables. Ils ont beau dire qu'ils désapprouvent ces actes, ne voient-ils pas comme leur aspect transmet le message opposé ? Comme ils semblent les cautionner ? Je ne peux m'empêcher de penser que s'il y a une vingtaine d'années les gens avaient unanimement refusé de se plier à ces diktats ces idéologies n'auraient pas pu se répandre.
Que cessent aussi les discours nauséabonds concernant les réfugiés qui «feraient mieux de rester combattre chez eux au lieu de fuir les carnages» (Nardine, si tu m'entends…). Garder en tête les images de l'exode de 1940. Se dire que ce qui se met actuellement en place ressemble bien trop à ce qui est arrivé il y a moins d'un siècle.
La France n'est pas un pays parfait, cela existe-t-il, mais aussi imparfait soit-il il me semble qu'il permet l'accès à la connaissance, à la culture pour qui le souhaite – ce qui pour autant ne veut pas dire que ce soit toujours facile. L'école, tout aussi imparfaite, mais aussi les bibliothèques, les centres aérés, les centres d'animation et autres MJC, pour qui souhaite s'ouvrir l'esprit.
L'actualité et son flux continu d'informations m'ont assez rapidement ramenée sur terre et bien que toujours bouleversée par ce qui est arrivé je suis tout sauf persuadée de l'utilité et de l'efficacité de l'état d'urgence, en tout cas de la manière dont il se présente déjà. Si les méthodes toujours plus répressives avaient fait leurs preuves en serait-on là ? L'avenir dira si la poignée de députés qui a refusé de voter cet état d'urgence peut-être comparée à ceux qui en leur temps refusèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
On interdit les marches pour le climat prévues de longue date mais on laisse se dérouler le marché de Noël des Champs-Élysées, pour ne prendre que cet exemple, sans aucune mesure apparente de sécurité ni contrôle aux entrées. Des militants écologistes, associatifs ou altermondialistes sont assignés à résidence, et ça perquisitionne à tout va, souvent en vain ou sous de mauvais prétextes, s'asseyant quelque peu sur les droits de l'homme.

Photo de 1000 Alternatiba.
Marché de Noël des Champs-Élysées ce mercredi 25 novembre, autorisé sans aucune mesure de sécurité ni contrôle aux entrées 
(photo piquée chez Alternatiba).


Le marché solidaire auquel j'ai participé à deux reprises et qui se tient sur le terre-plein du boulevard de Belleville le dernier samedi du mois de novembre a été annulé à quarante-huit heures de sa tenue.

Des choses se sont cependant mises en place : les convois «Cap sur la COP21», en route depuis un mois mais privés d'une arrivée à Paris à la suite des attentats, sont arrivés à Versailles.


On voit tout de suite la dangerosité des individus, hein…

À L'Île-Saint-Denis Alternatiba a inauguré hier le Quartier génial, lieu de vie de quelque deux cents militants durant la COP, mais aussi d'expérimentation et de mise en œuvre concrète d'alternatives à la vie quotidienne, base logistique à la mobilisation, à la formation et à la préparation d'actions non violentes. Au même moment, dans l'incertitude mais malgré tout, se prépare le Village mondial des alternatives au dérèglement climatique, qui prendra place à Montreuil les 5 et 6 décembre prochains.
Tout à l'heure, je me tiendrai au milieu de la chaîne humaine organisée sur le parcours de la marche interdite.

CHum11h30entreOber

lundi 16 novembre 2015

Paris

Où fait-il bon même au cœur de l'orage
Où fait-il clair même au cœur de la nuit
L'air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l'espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits

Jamais éteint renaissant dans sa braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-jour jusqu'au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d'août refleuri
Gens de partout c'est le sang de Paris

Rien n'a l'éclat de Paris dans la poudre
Rien  n'est si pur que son front d'insurgé
Rien n'est ni fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n'est si beau que ce Paris que j'ai

Rien ne m'a fait jamais battre le cœur
Rien ne m'a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n'est si grand qu'un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré

Louis Aragon, 1944

Davide Martello, 14 novembre, devant le Bataclan.


lundi 12 janvier 2015

Marée humaine

Jusqu'au bout je me suis demandé si j'irai, la présence de certains personnages aux mains pas franchement nettes en tête de cortège y étant pour beaucoup. Je ne me sentais pas particulièrement Charlie, plus une humaine pleurant la mort d'autres êtres humains, dont j'avais côtoyé une partie il y a longtemps, même si le contact avait été perdu. Je suis finalement passée outre ces réticences et me suis mise en train un peu avant 14h30 – j'étais censée retrouver des coopanamiens à côté du Cnam vers 15h00. Je n'avais jamais vu autant de monde sur ce quai de la petite ligne 3bis en milieu de journée, et encore moins un dimanche, de même le long de la ligne 3 ensuite. Beaucoup de gens arboraient qui des crayons, qui des pancartes, ou parlaient simplement du rassemblement. Une certaine connivence régnait, et l'on se souriait sans se connaître. Le trajet a été rapide, pas mal de stations avaient été fermées. Celles annoncées la veille dans la presse par la préfecture, et d'autres encore depuis. Je suis remontée à la surface à Réaumur-Sébastopol, et comme la plupart me suis dirigée vers République. Étrangement, la circulation sur le Sébasto était habituelle et créait comme une barrière qui, freinant momentanément la foule, permettait à ceux qui se trouvaient déjà de l'autre côté d'avancer encore un peu. Il m'a tout de même fallu près d'une demi-heure pour parcourir une distance qui habituellement demande tout au plus une dizaine de minutes. Une fois au milieu des gens on entendait régulièrement des vagues d'applaudissements, comme autant de félicitations d'être venus si nombreux pour saluer la mémoire des disparus, affirmer leur refus de vivre dans la peur, leur refus de la barbarie et leur attachement à la liberté d'expression, à la laïcité, à la République aussi imparfaite soit-elle…
La Marseillaise retentissait régulièrement et, si je ne ne pouvais m'empêcher de me dire que les victimes de la rédaction de Charlie auraient préféré L'Internationale, même si je suis de ceux qui aimeraient voir les paroles de l'hymne national changées pour d'autres, moins guerrières, il était agréable de voir que ce chant n'était plus laissé aux seuls nationalistes de tous poils. Il est des contrées où entonner l'hymne national ou arborer le drapeau est naturel, pas ici, sauf dans des occasions précises, où on ne voit en revanche aucun problème à porter des vêtements ornés d'un drapeau américain ou britannique, pour ne citer que ceux-là.


À l'angle de la rue Conté, à deux pas de l'ancien siège du journal.

Aux Arts et Métiers seules trois des personnes que je devais retrouver étaient au rendez-vous. Nous avons attendu les autres un temps avant que deux d'entre elles ne décident d'avancer. Nous sommes restés encore un peu. La foule se densifiant toujours plus nous avons craint de nous trouver coincés si nous avancions et, finalement, commençant à avoir froid, contournant le Cnam par les petites rues pour éviter la cohue qui avait envahi les grandes artères voisines, sommes retournés vers le Sébasto où le flux automobile continuait, imperturbable, prendre nos métro et RER respectifs. Le retour a été encore plus rapide que l'aller, des stations supplémentaires ayant été fermées entre Réaumur et Gambetta, rendant le trajet direct.


On pourrait croire que j'ai calqué mon texte sur le commentaire de ce reportage mézenfait  non, pas du tout, je l'ai trouvé après avoir rédigé mon billet…

J'ai quelques manifs à mon actif mais je n'avais jamais assisté à un tel rassemblement. Puisse cet élan être suivi d'effets bénéfiques, après tant d'horreur…


vendredi 9 janvier 2015

Expliquer


Illustration de Stephanie Blake.

Pas évident de trouver les mots qui expliquent le drame de mercredi aux enfants-ados. Une copine documentaliste a rédigé un  texte pour son collège, Coline propose d'autres pistes, de même que Mon quotidien et, bien sûr, le ministère
Des enseignants on relaté à Rue89 comment ils ont abordé les choses avec leurs élèves.


Il faut maintenant trouver les mots pour dire ce qui s'est passé hier et aujourd'hui…

mercredi 7 janvier 2015

Charlie



Charb
Cabu
Tignous
Wolinski
Oncle Bernard
Honoré
Mustapha Ourrad, l'un des correcteurs
et les autres

Je pleure un peu plus à chaque annonce de nom, et je pense aussi à ceux qui restent et qui devront continuer.

mardi 11 novembre 2014

ANZAC biscuit

- 250 ml de flocons d'avoine
- 190 ml de noix de coco râpée
- 250 ml de farine
- 250 ml de sucre
- 125 g de beurre
- 2 cuillers à soupe de sirop de sucre de canne
- 1/2 cuiller à café de bicarbonate de soude
- 1 cuiller à soupe d'eau

Préchauffer le four à 150°. Mélanger les flocons d'avoine, la farine, le sucre et la noix de coco. Faire chauffer le beurre avec le sirop. Mélanger à part le bicarbonate avec l'eau bouillante et ajouter au mélange beurre et sirop. Ajouter le tout aux ingrédients secs. Former des tas espacés sur une plaque à pâtisserie. Cuire durant une vingtaine de minutes et laisser refroidir avant de déguster.

Les Néo-Zélandaises préparaient et envoyaient ces biscuits à leurs hommes partis se battre en Europe durant la Première Guerre mondiale. Ils étaient conçus pour résister au long voyage vers nos contrées. La noix de coco, en revanche, n'aurait été introduite qu'à partir de 1927. Les oatmeal biscuits furent d'abord surnommés «soldiers' biscuits» avant d'être renommés «ANZAC* biscuits» après la bataille des Dardannelles. Ils sont toujours commercialisés et utilisés pour recueillir des fonds pour les associations d'anciens combattants néo-zélandais et australiens. Ils sont également prisés des randonneurs, en raison de leur longue conservation.
Nous avons pu en déguster lors du Woolstock de septembre dernier, la biscuiterie qui les avait préparés avait glissé la recette dans les boîtes.


*ANZAC : Australian and New-Zealand Army Corps.

vendredi 25 juillet 2014

Les responsables de la guerre

Citoyens,
Je veux vous dire ce soir que jamais nous n'avons été, que jamais depuis quarante ans l'Europe n'a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l'heure où j'ai la responsabilité de vous adresser la parole. Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l'Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu'une guerre entre l'Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l'Autriche le conflit s'étendra nécessairement au reste de l'Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l'heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l'Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu'ils pourront tenter. 
Citoyens, la note que l'Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l'Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d'Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les Slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l'Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d'alliance qui l'unit à l'Allemagne et l'Allemagne fait savoir qu'elle se solidarisera avec l'Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l'Autriche et la Serbie, si la Russie s'en mêlait, l'Autriche verrait l'Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés. Mais alors, ce n'est plus seulement le traité d'alliance entre l'Autriche et l'Allemagne qui entre en jeu, c'est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France : « J'ai contre moi deux adversaires, l'Allemagne et l'Autriche, j'ai le droit d'invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. » À l'heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l'Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l'Autriche et l'Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c'est l'Europe en feu, c'est le monde en feu.
Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m'attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l'a dit et j'atteste devant l'Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c'était ouvrir à l'Europe l'ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c'est nous qui avions le souci de la France.
Voilà, hélas ! notre part de responsabilités, et elle se précise, si vous voulez bien songer que c'est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l'occasion de la lutte entre l'Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l'Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n'avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres. 
Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l'Autriche :
« Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l'Italie : « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l'autre bout de la rue, puisque moi j'ai volé à l'extrémité. » Chaque peuple paraît à travers les rues de l'Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l'incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d'une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d'autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l'Autriche et qui vont dire : « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu'on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. » Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l'Autriche : « Laisse-moi faire et je te confierai l'administration de la Bosnie-Herzégovine. » L'administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l'Autriche-Hongrie a reçu l'ordre d'administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n'a eu qu'une pensée, c'est de l'administrer au mieux de ses intérêts.
Dans l'entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l'Autriche, la Russie a dit à l'Autriche : « Je t'autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d'établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople. » M. d'Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l'Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l'Autriche, elle a dit à l'Autriche : « C'est mon tour pour la mer Noire. » — « Quoi ? Qu'est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout ! », et depuis c'est la brouille avec la Russie et l'Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d'Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l'Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l'Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l'Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie.
C'est ce qui l'engage dans les voies où elle est maintenant.
Si depuis trente ans, si depuis que l'Autriche a l'administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n'y aurait pas aujourd'hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.
La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l'Autriche ont contribué à créer l'état de choses horrible où nous sommes. L'Europe se débat comme dans un cauchemar.
Eh bien ! citoyens, dans l'obscurité qui nous environne, dans l'incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j'espère encore malgré tout qu'en raison même de l'énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n'aurons pas à frémir d'horreur à la pensée du cataclysme qu'entraînerait aujourd'hui pour les hommes une guerre européenne.
Vous avez vu la guerre des Balkans, une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d'hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d'hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.
Songez à ce que serait le désastre pour l'Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d'hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l'orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s'il nous reste quelque chose, s'il nous reste quelques heures, nous redoublerons d'efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d'Allemagne s'élèvent avec indignation contre la note de l'Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.
Quoi qu'il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n'y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu'une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c'est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, français, anglais, allemands, italiens, russes et que nous demandions à ces milliers d'hommes de s'unir pour que le battement unanime de leurs coeurs écarte l'horrible cauchemar.
J'aurais honte de moi-même, citoyens, s'il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d'une victoire électorale, si précieuse qu'elle puisse être, le drame des événements. Mais j'ai le droit de vous dire que c'est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l'orage, la seule promesse d'une possibilité de paix ou d'un rétablissement de la paix. 
Jean Jaurès
(3 septembre 1859 – 31 juillet 1914)
Discours prononcé à Lyon-Vaise le 25 juillet 1914

jeudi 30 janvier 2014

Cavanna a tiré sa révérence à son tour. Pour l'avoir parfois côtoyé avant la naissance de la douce je garde le souvenir d'un délicieux vieux monsieur. Le bleu de ses yeux, les petites étincelles dans son regard.

mercredi 29 janvier 2014

So long, it's been good to know you

Après être tombée dernièrement sur l'histoire d'Elizabeth Cotten et de sa chanson Shake Sugaree, je suis retournée lire la ouikibiographie de Pete Seeger – dans la famille duquel elle avait travaillé –, songeant que c'était maintenant un bien vieux monsieur et me demandant si la presse française l'évoquerait le jour où il partirait. Ma mère est une grande admiratrice et j'ai grandi avec ses chansons. Il a fait une longue et belle traversée.


A time to be born, a time to die…





La même, avec son petits-fils qui prend le relais…



Difficile de ne choisir que quelques chansons, il y en a tant… 
On trouvera aussi un article assez complet sur le site du Monde

mardi 29 octobre 2013

Loulou




Je découvre que l'album dont est issue cette chanson avait mal été accueilli à sa sortie – il a rencontré le succès bien plus tard. Je l'avais acheté lors de  sa parution. Je ne l'avais pas écouté depuis des lustres… Il faisait pour moi partie des artistes qu'on aime bien, dont on suit de loin en loin ce qu'ils font même si on est conscient de ce qu'ils peuvent représenter pour d'autres dans leur domaine, mais dont on n'imagine pas le  départ.


samedi 27 avril 2013

Les regrets

J'avais oublié l'humour parfois absurde de Bertrand Blier et, dernièrement, j'ai emprunté le DVD de son film Les Acteurs à la médiathèque. De fil en aiguille, mais peut-être est-ce ce qui a réellement guidé mon choix, j'ai bien sûr repensé à celle avec qui nous étions allés le voir au moment de sa sortie. J'ai appris bien plus tard qu'on nous disait alors inséparables, mais la vie emprunte parfois d'étranges méandres, et nous nous sommes perdues quelques mois avant la naissance de la Demoiselle, sans raison véritable. Chagrinée, fâchée de cette situation, je n'ai plus entendu parler d'elle pendant une paire d'années, jusqu'à ce jour où une amie commune m'a appelée : championne du monde du Scrabble francophone, elle se rendait à une compétition à Saumur lorsque la voiture dans laquelle elle se trouvait a été percutée par un sale type, qui conduisait ivre et sans permis. Trois des quatre passagers s'en sont sortis, pas elle, partie sur le coup. Elle avait 31 ans, c'était il y a dix ans.
Nous allions régulièrement au cinéma ensemble, elle pouvait s'enquiller plusieurs films par jour et était spécialiste des «séances pour fauchés», comme elle les appelait. Longtemps, en visionnant tel film ou en allant voir tel autre j'ai pensé à elle. Elle m'avait offert le code typo que j'utilise encore, entre autres livres et disques. Elle aimait la couleur bleue, les bulles de champagne et vouait une adoration sans borne aux veaux («On n'adore que Dieu, aurait-elle dit. Donc, si Dieu existe, Dieu est un veau !»), dont elle avait une impressionnante collection que nous alimentions joyeusement : chaussons, tasses, bols, coussins, cartes, tout ce qui portait tâches noires sur pelage blanc et n'arborait pas de pis…
Je suis brouillée avec les dates, et ce n'est qu'en cherchant une trace d'elle sur la Toile que je me suis rendu compte de cet anniversaire.