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dimanche 15 mai 2016

Non à la précarité des correcteurs dans l'édition

Véritables précaires, déjà victimes des contrats « zéro heure » anglais, nous, correcteurs de l'édition, demandons une amélioration de nos conditions de travail.

Les fameux contrats anglais « zéro heure » existent depuis longtemps déjà en France.

Mais où donc ?

Dans les maisons d’édition.

Dans les maisons d’édition ? Fleuron de la culture française, des Lumières, e tutti quanti… ?

Hélas, oui.

Voici comment travaillent et vivent les correcteurs, préparateurs de copie, lecteurs.

Cet expert du texte, qu’on appellera correcteur pour simplifier, est dit multi-employeurs car il est censé travailler pour plusieurs maisons d’édition ; « censé » car, le travail salarié se faisant de plus en plus rare, 90 % des correcteurs ne travaillent que pour un seul employeur.

Un correcteur est travailleur à domicile (TAD) ; il peut être embauché en CDD.

Jusque-là tout va bien.

La plupart du temps, sans avoir signé de contrat, s’il travaille régulièrement pour une maison d’édition, le correcteur est en CDI de fait, mais sans aucune garantie d’un nombre d’heures travaillé, et aucun revenu fixe et prévisible, l’annexe IV de la Convention nationale de l’édition qui régit le statut des TAD n’imposant aucune obligation aux employeurs d’un salaire mensuel minimum. Il doit se tenir en permanence à disposition de l’entreprise, qui l'emploiera une heure, quinze heures, cent vingt heures ou pas du tout dans le mois. Il est payé à la tâche, au nombre de signes, à un salaire horaire trop bas, et parfois dans des délais qui ignorent que certains jours sont chômés. Si un manuscrit est en retard ou annulé, le correcteur n’a aucune compensation, il se retrouve avec un compte en banque dans le rouge et ses yeux pour pleurer.

Étant en CDI, et bien que cotisant, il n’a pas droit aux allocations chômage.

C’est un intermittent… sans le statut de l’intermittence !

Pour résumer, le correcteur est le rêve du libéralisme absolu : il dépend de l’offre… et se rue sur elle, quand elle se présente à lui.

Mais le libéralisme absolu a trouvé encore mieux.

Encore mieux ?

Est-ce possible ?

Eh oui, l’autoentrepreneur, ou le salarié déguisé, auquel les maisons font de plus en plus appel, car ce dernier coûte encore moins cher. L’entreprise n’a plus de charges à payer.

En mars, une intersyndicale a proposé aux employeurs des améliorations à l’annexe IV. La principale : avoir l’espoir de pouvoir travailler le même nombre d’heures que l’année précédente. Et la possibilité de lisser les revenus annuels de manière à avoir un salaire mensuel fixe…

La réponse est prévue fin juin. Déjà les employeurs ont fait comprendre que « ce statut devait rester attractif pour les employeurs et… pour les salariés ».

Nous demandons que ces améliorations soient adoptées et refusons d’indexer notre attractivité sur notre pauvreté !

Amis lecteurs, ennemis de la précarité, signez cette pétition.

samedi 17 octobre 2015

La dame se demande

L'éditeur Magnard a laissé partir à l'impression un fascicule de français présentant une étrange façon de conjuguer le verbe voir au passé simple. 

 

L'erreur est humaine, la perfection n'existe pas, toussa, toussa. On le sait. Mais l'éditeur ne s'est résolu à publier de rectificatif (disponible ) et à modifier les réimpressions prévues que parce que les protestations se sont multipliées, arguant, dans un premier temps, que les enseignants étaient là pour corriger (sûr qu'ils auront apprécié tant de considération). La directrice des relations scolaires de l'éditeur était incapable d'expliquer comment cette erreur avait pu passer toutes les étapes de fabrication du cahier sans que personne ne la relève avant publication. 
Cette faute, six fois répétée, a-t-elle intentionnellement été introduite une fois toutes les vérifications effectuées ou est-elle simplement le signe que cet éditeur fait l'impasse sur les étapes de relecture ?

vendredi 5 juin 2015

Copies non conformes

L'enfant que j'étais dessinait plutôt bien. C'est du moins ce que disait mon entourage (mais l'entourage est-il bien objectif dans ce genre de situation ?). À vrai dire je garde surtout le mauvais souvenir de certains cours, vers la fin du primaire et au collège, où mes tentatives de mélanges de couleurs aboutissaient assez invariablement à des camaïeux caca d'oie, me laissant désemparée. Quant à manier le pinceau…
Bien plus tard, j'avais répondu à une petite annonce, publiée dans Libé, proposant des cours de peinture. Passée par un ancien décorateur au TNP de Jean Vilar, ce monsieur déjà âgé à l'époque m'avait dit, plutôt désolé, que comme j'étais gauchère il ne pourrait m'enseigner ce savoir-faire (je ne suis plus trop sûre mais je crois que ç'avait à voir avec la façon de positionner sa main et de tenir son pinceau). Nous nous étions revus quelques fois avant de nous perdre de vue – ma faute, ma très grande faute, j'avais égaré ses coordonnées, changé de boulot, déménagé… Il faut croire que j'ai de la suite dans les idées.

Judith et Holopherne, détail, Gustav Klimt, huile sur toile, placage or,
palais du Belvédère, Vienne, à la Pinacothèque jusqu'au 21 juin.
Klimt a employé des feuilles d'or pour le fond de ce tableau,
je me suis contentée d'acrylique (étonnant, non ?) et d'encre de Chine…

Voyant mes lits défaits le prof a prononcé le nom de Bonnard. Il l'a répété devant mes variations, m'encourageant chaque fois à me lancer. C'était un peu effrayant, un peu vertigineux, tant je ne pensais pas avoir les bonnes couleurs ni même parvenir à les obtenir, mais j'ai fini par me jeter à l'eau.

Nu dans un intérieur, détail, Pierre Bonnard, huile sur toile, 
National Gallery of Art of Washington, à Orsay jusqu'au 19 juillet.
Gouache. Ceci – pas plus que mes autres essais – n'est pas de l'art. 
Mais je m'amuse bien !

Les teintes des reproductions, sur papier comme en ligne, varient selon les tirages ou les résolutions. Celle qui m'a servi de support pour ce Nu comportait des nuances violacées, qui apparaissent en bleu dans le modèle au-dessus. 

La Fenêtre ouverte, Pierre Bonnard, huile sur toile,
collection Phillips, Washington, également à Orsay en ce moment.
Gouache. Là aussi les nuances varient selon les reproductions que l'on trouve.

Si Marthe, femme et muse de Pierre Bonnard, est très présente dans ses peintures on ne distingue jamais clairement son visage. L'exposition qui se déroule actuellement à Orsay montre des photos prises par le peintre où elle est également très présente mais où on ne voit pas plus ses traits…

L'Heldenplatz avec des lilas, Carl Moll, huile sur toile, palais du Belvédère, Vienne, également à la Pinacothèque jusque fin juin.

Coup de cœur devant les tableaux du monsieur, déception en découvrant un sympathisant nazi. On est certes en Autriche mais il aurait pu être de ceux qui ont fui le pays ou même résisté. C'est sur cette même Heldenplatz (place des Héros) qu'un peu plus de trente ans après que Moll ait achevé ce tableau Hitler proclamera l'Anschluss devant une foule enthousiaste.

Gouache. Le lilas m'inspirerait-il ? 

Jusqu'ici j'ai surtout peint le soir, à la lueur tamisée de la lampe du séjour. Je ne vois le résultat de mes peinturlures que le lendemain, et mes maladresses me sont encore plus flagrantes une fois mises en ligne. Un peu comme avec les textes qui me sont confiés : leur lecture n'est pas la même selon qu'elle s'effectue à l'écran ou sur papier, d'où l'utilité de le faire sur les deux supports.

lundi 10 mars 2014

Une portion

À la fin de l'été dernier un établissement culturel mondialement renommé a lancé un appel d'offres en deux lots pour des travaux de correction. Une grande première de sa part, la perspective d'une année entière de travail pour l'équipe qui emporterait ce ou ces lots. Nous sommes je crois une dix-douzaine de correcteurs chez Coopaname. L'une d'entre nous a eu connaissance de cet appel et a diffusé l'info, demandant si nous serions partants pour y répondre avec elle. Nous nous sommes constitués en collectif, nous adjoignant les compétences de deux graphistes et d'une rédactrice afin de proposer tout un éventail de savoir-faire.
Le dossier a été déposé début octobre et nous avons appris, trois semaines plus tard, que nous avions passé cette étape et étions sélectionnés pour la suivante, une sorte d'examen d'entrée : un texte de promotion et de communication et un autre scientifique à revoir, chacun correspondant à l'un des lots de l'appel, chaque épreuve se déroulant durant quatre heures avant retour à l'envoyeur. Nous sommes restés de longues semaines sans nouvelles, à tel point que certains parmi nous ont cru que là s'arrêtait l'aventure mais nous avons appris début décembre que le jury avait été plus long que prévu à se décider et que, cette fois-là encore, nous avions passé l'étape. On nous demandait en revanche de revoir nos tarifs à la baisse, bien qu'ils aient répondu aux critères initiaux de l'appel. Le nouveau budget est parti et nous avons de nouveau attendu, près de six semaines supplémentaires.
La réponse concernant le deuxième lot de l'appel – le plus ardu et le moins bien doté – est arrivée fin janvier. Nous avons été recalés. Il a été réparti entre quatre candidats et nous sommes arrivés cinquièmes.
La réponse concernant le premier lot de l'appel a suivi, comme un peu de baume pour compenser la première déception : nous avons décroché une petite portion du budget alloué. Pas exactement à la hauteur de nos espérances, pas de quoi faire travailler tout  le monde en même temps, mais on dira que c'est déjà ça.
Les premiers fichiers à revoir n'ont pas tardé à suivre. Ce travail arrive à point nommé : entre un client décédé (laissant une ardoise), un qui ne m'a recontactée que pour me demander des précisions tarifaires, une autre qui, bien qu'appréciant mon travail, m'a toujours trouvée trop chère et a par ailleurs vu son budget amputé d'un tiers, des clients potentiels qui n'ont pas donné suite à nos conversations, je n'ai rien corrigé depuis l'été dernier.
Il n'est pas rare à Coopaname que des gens s'unissent pour répondre à des appels d'offre et il y a même parmi les permanents de la scop quelqu'un pour s'assurer que les dossiers ont bien été ficelés mais c'était une première dans notre domaine. Au moins saurons-nous mieux à quoi nous attendre lorsque l'occasion de représentera. Maintenant que le collectif est constitué nous devrions poursuivre sur notre lancée pour prospecter et décrocher d'autres contrats…

lundi 22 avril 2013

Sales caractères – Petite histoire de la typographie, Simon Garfield

… ou le livre dont j'aurais aimé dire que je l'ai aimé… Beaucoup de critiques parcourues sont élogieuses, et il est vrai qu'il regorge d'anecdotes – plus ou moins savoureuses et plus ou moins vraies –, en plus d'explications qui permettent au profane un peu curieux d'en apprendre sur cet art, mais il a fini par me tomber des mains (moins de cent pages avant la fin, dommage !). 
L'ouvrage est très soigné d'un point de vue typographique (ce qui ne coule pas nécessairement de source puisqu'il est question ici de création et d'utilisation de polices de caractères, quand je parle usage des majuscules, italiques, etc.),  assez soigneusement mis en pages (peu d'orphelines et pas de veuves) et je n'ai relevé aucune grosse faute d'orthographe, mais il en offre une vision exclusivement anglo-saxonne, même s'il aborde les  fontes employées dans différents pays, et je soupçonnerais bien l'auteur d'un brin de francophobie… Last but not least, cherry on top of the cake, j'ai trouvé la traduction assez calamiteuse par endroits, lourde et alambiquée. Est-ce un hasard ? sauf erreur de ma part nulle trace du nom du traducteur dans le livre (mais on peut cependant assez facilement le trouver en furetant sur la Toile), ce qui n'est guère bon signe. Je ne souhaite pas lui jeter la pierre (Pierre), mais je ne serais pas étonnée d'apprendre que les personnes qui ont travaillé sur cet opus ont manqué de temps…
Le récit, qui traite uniquement de la typographie occidentale romaine, ne progresse en outre pas par ordre chronologique – il débute par un éloge sur Steve Jobs et enchaîne avec un chapitre sur Comic Sans et comment cette police est considérée comme nulle par certains et a même fait l'objet d'une campagne de dénigrement – et fait des allées et venues incessantes dans le temps. L'auteur parle en outre de choses somme toutes assez confidentielles comme si tout le monde en était averti, assène certaines de ses opinions comme d'incontournables vérités, de sorte qu'au bout d'un moment j'étais simplement perdue et barbée. Claude Garamont, quant à lui, n'a droit qu'à quelques mentions au fil des pages, alors que sans lui (et certes quelques autres) nous écririons peut-être encore en caractères gothiques et que la police créée par cet humaniste est utilisée de nos jours pour les documents officiels en France, mais aussi dans un autre pays que, malgré le conséquent index en fin de volume, je n'ai pas retrouvé. La police Garamond est à l'origine d'autres fontes, les garaldes, parmi lesquelles on trouve la Caslon, utilisée pour composer la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis.
***
«Lars Müller, graphiste norvégien qui a consacré un livre à cette police, qualifie Helvetica de “parfum de la ville”, tandis que Massimo Vignelli, le premier à en avoir recommandé l'emploi dans le métro de New York dans les années 1960 (plus de vingt ans avant que cela ne soit finalement le cas), estime que son caractère protéiforme permet à l'usager de dire “Je vous aime” de toutes sortes de manières, “avec Helvetica Extra Light si vous voulez vous amuser, avec Extra Bold si vous voulez être vraiment intense et passionné” [rendez-vous pour visualiser les différentes Helvetica dont il est question,  Blogger ne permettant pas d'employer ces polices spécifiques pour illustrer le propos]. Et son attrait est mondial. À Bruxelles, on la voit dans tout le réseau de transports en commun. À Londres, le National Theatre l'a adoptée de façon si systématique (affiches, programmes, publicités, panneaux) que cette police rivalise avec celle de Johnston dans le métro comme la plus fortement présente dans la capitale britannique.
Seul Paris semble résister (un peu) aux charmes d'Helvetica. On trouve ce lettrage partout dans les rues, mais la tentative visant à l'introduire dans le métro a été moins couronnée de succès. Il fut mis à l'essai dans l'intervalle entre Alphabet Metro et Parisine, mais avec un méli-mélo de styles combinant plusieurs graisses anciennes et nouvelles, et ce ne fut pas une réussite. Le problème d'Helvetica dans une ville connue pour son rejet de l'uniformité est que cette police n'était tout simplement pas française.» p. 128

 «Margaret Calvert est tombée dans la carrière par hasard. Etudiante à la Chelsea School of Art, elle n'arrivait pas à se décider entre la peinture et l'illustration, lorsqu'un professeur invité remarqua son zèle. C'était Jock Kinneir, graphiste estimé qui venait d'ouvrir sa propre société. Calvert avait beaucoup aimé certains des devoirs qu'il leur avait proposés, notamment la conception d'une nouvelle brochure publicitaire pour la fête foraine de Battersea. Ce parc d'attractions, qui avait beaucoup perdu de son prestige depuis son ouverture en 1951, proposait entre autres choses le Grand Plongeon et la Roue de la Mort. Il avait un peu changé depuis le Festival of Britain, mais il restait une destination très appréciée (et le resta jusqu'à ce que plusieurs enfants soient morts sur ses manèges). Il invitait surtout au au rêve sur les notions de vitesse et d'espace. C'était un lieu où une jeune artiste pouvait expérimenter sa créativité.
Impressionné par le travail de l'étudiante Calvert, Kinneir lui demanda en 1957 de l'aider sur un vaste projet au thème similaire : la signalisation du nouvel aéroport de Gatwick. L'expérience de Kinneir en la matière se limitait à la conception de pavillons pour le Festival of Britain et de stands d'exposition à Wembley. Il n'avait pas présenté sa candidature, la commande lui avait été passée après une conversation à un arrêt d'autobus avec l'un des architectes de Gatwick, David Allford. Pourtant, il ne devait pas être bien difficile de dessiner un panneau “Départs”.» pp. 142-143

«Même sous sa forme la plus primitive, à écran vert, à mémoire minuscule, à disquettes – disons un Amstrad PCW bas de gamme – l'ordinateur rendait rapidement tout le reste obsolète. Dès que vous saviez utiliser un clavier et appuyer sur la touche Imprimer, quel avenir s'offrait au stylo Platignum ou à la machine à écrire à boule ? Dès que vous aviez une calculatrice, à quoi bon vous embêter avec les tables de multiplication ? Dès que vous aviez le courrier électronique, pourquoi fallait-il un employé des Postes pour coller des bandelettes de papier sur un télégramme ? Et dès que vous aviez le fichier audio, adieu les pochettes imprimées. L'impression manuelle et Letraset étaient condamnés. Et la calligraphie est pratiquement morte, cet art qu'adore le prince Charles, et qu'on voit encore encadré sous verre sur les certificats de qualification des vérificateurs et des chiropracteurs.
Aujourd'hui, presque tout ce dont nous avons besoin en matière de caractères se trouve sous une diode LED ou un écran plasma. La pression du graphiste et de la plume, le plaisir fragile qu'on prend à promener un index sur la première page d'un livre bien imprimé, tout cela appartient au passé. Mais les polices – leur prépondérance et leur ingéniosité – n'ont pas connu un semblable déclin. Au contraire : c'est leur quantité quasiment inestimable  qui s'avère problématique.» p. 164

«Spiekermann est de ces gens pour qui ne pas pouvoir identifier un g entraînerait une sérieuse remise en question. “Mais je ne suis plus aussi obsédé qu'avant. C'est peut-être l'âge. Dans ma génération, j'étais le pire de tous. Mais maintenant, avec les jeunes, il y a tellement plus de fous de typo qu'avant.” Il raconte avoir été “infecté” à six ans. Il habitait près d'une imprimerie, en Basse Saxe, et “je voyais tous ces caractères métalliques, toute cette encre grasse, puis quelqu'un plaçait une feuille de papier impeccable par-dessus et ça donnait un beau texte clair qu'on pouvait lire, c'était magique, j'étais accro”. On lui donnait les bouts de papier massicotés, où il dessinait les trains et les camions que son père conduisait pour l'armée britannique. Puis à l'adolescence, “je suis tombé amoureux d'une fille, je lui écrivais et j'imprimais son adresse sur l'enveloppe. Les autres gamins jouaient au Lego, moi j'avais Futura et Gill”.
Sa carrière professionnelle a démarré à dix-sept ans, lorsqu'il partit pour Berlin pour éviter la conscription. Il se mit à travailler chez un imprimeur, chez qui il composait à la main. Il dessina ses premières polices vers 1970, alors qu'il était typographe à Londres, en s'inspirant des polices célèbres dont il collectionnait les caractères en bois et en métal. Il demanda conseil à ses héros, dont Matthew Carter, Adrian Frutiger et Günter Gerhard Lange. “Avec Matthew et Adrian, c'était presque comme une franc-maçonnerie, ils étaient une douzaine et ils étaient contents qu'il y ait des freluquets comme moi parce que la plupart des gens ne s'intéressaient pas à tout ça. De nos jours, c'est presque l'inverse. Tout le monde a envie de créer son lettrage.”» pp. 176-177

«Volkswagen, avec ses idéaux démocratiques, utilise encore Futura pour sa publicité, au point où il serait  dangereux de changer, comme de trafiquer les freins.» p. 186

«Archibald Binny avait appris à découper les lettres à Edimbourg, mais son associé James Ronaldson était pâtissier jusqu'au jour où il avait tout perdu dans un incendie. Dans leur partenariat, Ronaldson gérait les aspects commerciaux, tandis que Binny fit plus que quiconque pour établir une identité américaine imprimée.» p. 187

«Comme c'est aujourd'hui la règle, chaque alphabet contient au moins 600 glyphes et prend des mois à mettre au point.» p. 218

Bon, je m'arrête là, vous aurez je crois compris mon propos…
 ***
L'avis de Jacques Drillon sur BibliObs, celui de Camille Gévaudan sur Ecrans, et , «L'Essai et la Revue du jour», sur France Culture (7 min).

Sales caractères
Petite histoire de la typographie
Simon Garfield
Seuil

Pour différencier Arial et Helvetica.

Quelle perception aurions-nous eue de ces films si leurs génériques avaient été incrustés dans d'autres polices ?




dimanche 14 avril 2013

Petites histoires de la grande époque

À quatre-vingt-six ans, Walter Lewino est le doyen des chroniqueurs du Tigre. Né en 1924, il s’est engagé à dix-sept ans dans les Forces françaises libres. Après la guerre, il a été tour à tour correcteur, journaliste, secrétaire de rédaction, romancier, inventeur de jeux... Le Tigre avait envie de l’entendre raconter quelques épisodes d’une carrière durant laquelle il a croisé nombre de protagonistes du journalisme d’après-guerre. Une évocation des bouleversements techniques de la presse, de l’essor des news magazines, de mai 68 et du situationnisme.
Un entretien avec Walter Lewino réalisé rue Greneta (Paris) le dimanche 18 avril 2010 par Raphaël Meltz.

 Vous avez travaillé dans une dizaine de journaux différents, à de nombreux postes. Comment qualifieriez-vous votre parcours ?
J’ai une formule, qui vaut ce que les formules valent. Je dis toujours : je suis trop mégalo pour être arriviste. C’est pour ça que je me suis bien débrouillé dans la presse. Dès le départ, il était évident que je ne cherchais pas le pouvoir. Ou alors je cherchais mon petit pouvoir : dans tous les journaux où j’ai travaillé, j’ai formé mon petit groupe, où personne n’est venu m’embêter. J’avais mon coin, avec les gens qui travaillaient pour moi. Je faisais ce que je voulais. Et personne ne m’embêtait, parce que je ne cherchais pas à avoir une autre place. À un moment, au Nouvel Obs, Jean Daniel m’avait dit : « Lewino, il faudrait que vous preniez la partie littéraire. » J’ai répondu : « Non, ça ne m’intéresse pas. »

Pour lire le récit de cette vie peu ordinaire, rendez-vous chez Le Tigre

mardi 20 novembre 2012

Calibrage

Il y a un décalage entre le chiffre affiché par l'outil Statistiques de Word et le nombre réel de caractères des textes concernés – chose fort ennuyeuse lorsqu'on est rémunéré sur la base du nombre de signes d'un texte.
Les détenteurs de Mac peuvent contourner ce problème qui les pénalise grâce à un utilitaire appelé Word Counter. Je n'ai pas encore eu à l'employer mais il paraît très bien pour les textes courts comme pour les plus longs : il vient de me dénombrer sans problème 661 435 signes, espaces comprises (en typographie les espaces sont féminines et sont prises en compte, carqueseraituntextesansespaces, n'en déplaise à certaine maison d'édition – qui ne l'a finalement pas emporté aux prud'hommes), soit un texte de plusieurs centaines de pages. En revanche il ne tient pas compte des notes de bas de page et il faut donc, dans ce cas, les copie-coller à la suite du texte et redemander le calcul du nombre de caractères…
Du temps de mon premier ordi, un iMac myrtille basique qui tournait sous OS9, j'utilisais un utilitaire qui s'appelait Calibre. Je ne sais pas s'il existe encore. On trouve toujours une application qui porte ce nom mais qui n'a rien à voir avec le logiciel que j'ai utilisé durant une grosse dizaine d'années, et d'ont j'aimerais bien savoir ce qu'il est devenu…
Je n'ai pas trouvé d'équivalent pour les PC (mais je n'ai probablement pas cherché suffisamment longtemps) et, de ce que j'ai pu en constater, les sites qui proposent un tel comptage en ligne ne sont pas fiables.

vendredi 15 juin 2012

Cauchemar de correctrice

Mettre en forme un texte avec une kyrielle de notes de bas de pages et une interminable bibliographie, truffée d'Ibid. Que parfois je ne trouve même pas l'ouvrage de référence.
En anglais, c'est plus drôle, les règles de présentation ne sont pas les mêmes que celles qui ont cours par chez nous et je peine à m'y faire. Obligée de vérifier régulièrement que je procède comme il faut. Une partie des notes de bas de page devient des notes de fin de document, quand les notes à caractère bibliographique simples s'incorporent au texte entre parenthèses (Author Date: Page), les précisions figurant dans la bibliographie proprement dite.
Je ne sais même pas si mes explications sont claires…
Je ne sais pas si ça se pratique ici, je n'ai jamais croisé ce type de présentation. J'ai l'impression d'avancer dans le brouillard le plus complet ; la tâche me tétanise littéralement, à tel point que j'ai pris du retard ; je ne sais pas si ce que je fais convient et je n'en vois pas le bout.
Plaignez-moi, je ne suis qu'une pauvre chose…

dimanche 15 avril 2012

Autres codes et marches typo

Il faut bien dire ce qui est, lorsqu'il s'agit de connaître les codes typo étrangers les différentes sources dont on dispose ici ne donnent que de maigres informations. Je ne sais pas comment cela se passe maintenant mais les cours que l'on recevait il y a encore douze ou quinze ans n'en disaient guère plus. On a beau scruter les textes en anglais, par exemple, il n'est pas évident de comprendre les façons de procéder.
Le Chicago Manual of Style est une référence concernant les textes non journalistiques en anglais américain. Sa version en ligne est payante (et la version papier assez chère) mais on peut souscrire à une version d'essai gratuite pendant un mois.
Pour les documents officiels américains on pourra se référer à l'US Government printing office style manual, qui est gratuit de surcroît.
L'Union européenne propose également un guide gratuit en ligne, disponible en vingt-trois langues parlées au sein de l'Union, et on trouvera ici celui du Guardian.
Pour l'équivalent américain de l'article français de (saint) Wikipedia concernant les codes typo, c'est ici  que ça se passe.
Je compléterai volontiers ce texte si vous me donnez d'autres références, quelle que soit la langue concernée.

Mise à jour : l'Infothèque répertorie les principales différences typographiques entre le français et l'anglais.

mercredi 29 février 2012

Complot à Versailles (trilogie), Annie Jay

On dirait que je n'arrive plus à lire pour moi-même en ce moment mais je ne peux rester sans rien lire pour autant. Comme je n'arrive pas à venir à bout d'Orgueil et Préjugés (c'est grave, docteur ?), entamé à la suite des Quatre Sœurs,  j'ai encore pioché quelque chose chez l'Unique. Une copine lui avait offert Complot à Versailles l'été dernier, nous avions emprunté La Dame aux élixirs à la bibli et elle a reçu L'Aiguille empoisonnée pour son anniversaire.
Les histoires sont dans l'ensemble bien menées et très documentées, avec des notes explicatives en complément. On y apprend pas mal de choses sur la vie au XVIIe siècle, chez les grands comme chez les petits. Surtout, surtout, au-delà des intrigues, je les ai trouvés très instructifs quant à la condition féminine de l'époque et au chemin parcouru depuis…
En cherchant des informations sur cette auteure, dont les livres sont étudiés au collège, j'ai découvert que sa vocation est née d'un pari lancé par ses neveux qui l'avaient mise au défi d'écrire une histoire, défi qu'elle a brillamment relevé avec le premier volume de cette série.

À la 4e de couv' du Complot à Versailles, je préfère ce résumé, issu de plusieurs sources :
Le récit commence en 1676. Une fillette âgée d'environ 9 ans est sauvée de la noyade par Guillaume de Saint-Béryl. Guillaume et sa sœur Pauline sont issus d'une famille noble mais désargentée. Leur grand-père, Charles de Saint-Béryl, valet de Louis XIV durant la Fronde, a été injustement disgracié. La famille vit chez les Drouet depuis que le fils de Charles et père des enfants est mort au champ de bataille et que leur mère s'est retirée dans un couvent. Ils recueillent l'enfant qui, conséquence du choc subi, s'avère amnésique et choisit de s'appeler Cécile. Elle sera adoptée par Catherine Drouet et deviendra vite la meilleure amie de Pauline, mais se tiendra à distance de Guillaume, qui l'intimide beaucoup...
Voyant que ses petits-enfants n'arrivent pas à se faire une place dans le monde en raison de sa disgrace, Charles se décide à écrire à Louis XIV, qui le réhabilite et appelle Pauline et Guillaume à Versailles. Pauline sera demoiselle de la reine Marie-Thérèse et Guillaume garde-écossais. Pauline emmène Cécile avec elle, officiellement comme servante, mais cette dernière se fera surtout connaître et apprécier pour ses talents de guérisseuse, acquis auprès de sa mère adoptive.
À la suite d'un malentendu Pauline rencontre Louis XIV et s'attire la haine de Mme de Montespan, son ancienne favorite. Nous sommes en pleine affaire des Poisons et celle-ci prépare en cachette la mort du fils à naître du dauphin afin de favoriser l'accession au trône de ses propres enfants, légitimés par le roi. Pauline, Cécile, Guillaume et leurs amis vont tout faire pour l'en empêcher et, finalement, apprendre la véritable identité de Cécile, fille de nobles espagnols assassinés par un frère jaloux.

La Dame aux élixirs (4e de couv)

Versailles, 1682. À la cour, les dames s’arrachent les remèdes d’une certaine Mme Jouvence pour embellir ou rajeunir. Mais Héloïse de Montviviers, une amie de Mme de Montespan, réchappe de peu à la mort après avoir utilisé certains de ces produits miracles. Alors que Pauline tente de mettre de l'ordre dans ses sentiments pour le beau Silvère, Cécile enquête de son côté : qui donc se cache derrière la « dame aux élixirs » ? Toujours main dans la main, et plus que jamais amies, les deux demoiselles d'honneur vont tenter de démêler de sombres intrigues. Car pour évincer une rivale ou gagner le cœur du roi, tous les coups sont permis…
(Peut-être celui que j'ai le moins aimé des trois, dont l'intrigue a paru un peu fleur bleue à mes yeux d'adulte malgré des passages forts…)

L'Aiguille empoisonnée

À la fin de 1682, Pauline, Cécile et leurs fiancés respectifs sont à la cour, à Versailles, où il faut toujours paraître et plaire au roi. Afin de se plier aux souhaits royaux, Pauline et Cécile se font faire en secret des robes par Agnès, une amie de Cécile, remplisseuse au service de la reine. Les femmes à l'époque ne peuvent coudre que des sous-vêtements ou des vêtements d'intérieur, la confection de vêtements de jour étant réservée aux  seuls hommes. Agnès enfreint donc la loi avec l'aide de son fiancé, Julien, et l'appui des deux jeunes filles. Mais ses créations ne passent pas inaperçues lorsque portées par Pauline et Cécile, au point d'aiguillonner, si besoin était, la jalousie de Mme de Montespan qui, espérant toujours retrouver la faveur du roi, cherche à s'approprier les services du mystérieux créateur de ces tenues.
C'est alors que disparaît la cassette contenant les pierreries que devait coudre Agnès, tandis que les morts suspectes se multiplient et que cette dernière disparaît. Cécile et ses amis mènent l'enquête afin de retrouver Agnès, la cassette de la reine et découvrir qui se trouve à l'origine des assassinats.

Sorte de satellite de ces trois romans, À la poursuite d'Olympe relate l'histoire d'une jeune fille de la noblesse qui, fuyant le couvent où son père, sous l'influence de sa nouvelle épouse, veut l'enfermer pour disposer de sa dot, se cache au sein du petit peuple de Paris et (de mémoire) finit par croiser Pauline et Cécile. Ce récit s'adresse à mon sens aux ados un peu plus âgé(e)s que les trois précédents ; il y est question de prostitution.


***

Si le zéro faute n'existe pas en termes de correction il est dans le cas présent évident que la relecture de ces volumes n'a pas été confiée à un professionnel : pas moins de quatre erreurs relevées rien que dans les dix premières pages du Complot, par exemple, et une mention spéciale pour celles de ponctuation dans l'ensemble des livres – je me suis demandé si elles n'avaient pas été ajoutées, tant on en trouve ! C'est fort dommage, cela gâche le plaisir de qui prête attention à ce genre de «détails» (comme quand une virgule sépare sujet et verbe ou qu'on en colle une après une conjonction de coordination alors qu'il n'y a pas de mise en incise)… Il ne suffit pas d'être «bon en français» pour devenir correcteur et je peine à croire qu'une maison comme Hachette n'a pas les moyens de se payer les services de gens dont c'est le métier : il y a deux ans, sur la base d'un tirage à huit mille exemplaires, le travail d'un correcteur revenait à 0,45% du prix d'un livre vendu 17,90 euros. Bien la peine de se lamenter, après ça, sur l'appauvrissement de la langue, la baisse du niveau culturel des gens et j'en passe et des meilleures. Une autre chose qui me navre dans l'histoire, si l'on peut dire, c'est que, par-delà les récits eux-mêmes, encore une fois bien documentés et agréables à lire, ces textes sont étudiés au collège… Comment, dans ce cas, attendre des jeunes qu'ils écrivent convenablement ? Faut-il se résigner, se dire que ça participe de l'évolution de la langue ou se dire que ce n'est  rien d'autre que du nivellement par le bas ?
Pour mémoire (clic)…


Complot à Versailles,
La Dame aux élixirs,
L'Aiguille empoisonnée,
À la poursuite d'Olympe,
Le Livre de poche jeunesse

dimanche 8 janvier 2012

Les correcteurs digèrent mal

Les correcteurs du monde.fr, sur leur blogue, Langue sauce piquante, ont mis en ligne un article publié dans le Que Choisir de ce mois-ci. Pour ceux qui se demandent pourquoi les livres qu'ils achètent contiennent de plus en plus de fautes, et pour les autres aussi.