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mardi 10 janvier 2017

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Cadavre exquis

Pour clore la série, ce cadavre exquis donne un aperçu des textes de tout le groupe. La salle était plongée dans une quasi-pénombre et la caméra n'a pu capter la faible lumière du moment. Restent les mots.



L'année passée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

dimanche 25 décembre 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Déambulation

Je sors de la cage d'escalier. Me dirigeant vers la droite, je regarde si le gardien est dans la loge, vers où se dirige l'ascenseur et si des gens se trouvent autour de moi. Après être entrée dans le sas de l'immeuble, je me prépare mentalement au froid du vent de dehors. J'ouvre la porte et je laisse le vent me heurter. Je m'avance dans le parking et tourne à droite, saluant quelques voisins. Je descends du trottoir pour pouvoir passer entre les barrières empêchant les inhabitants (sic) de la résidence d'entrer.
Maman n'aime pas que je le fasse mais je ne peux pas m'en empêcher : je l'ai toujours fait.
À l'entrée du parking, je tourne encore une fois à droite et descends la rue. Devant la laverie, j'inspire l'odeur de la lessive. Au restaurant le plus proche, je vois les décorations de Noël égayer l'endroit. Les bougies, posées sur chaque table, le rendre plus chaleureux. Plus loin, le propriétaire du magasin de peinture regarde la rue. Il fait tout le temps ça – je me suis toujours demandé pourquoi. Au carrefour je me dirige vers le passage piéton, accélérant le pas en fonction du feu. Je traverse le premier puis le deuxième passage. Il y a plus de gens sur le second en fonction des voyageurs du métro. Je les regarde sortir et se presser dans différentes directions. Certains ont les mains remplies. Sur le mur à côté de la boulangerie se trouve une carte géante du quartier. Je m'arrête devant elle et j'essaie de trouver plusieurs endroits. Je continue tout droit, jetant un coup d'œil aux horaires de la Terre affichés dans les vitrines du théâtre et je repense au spectacle sur le bonhomme rouge et le bonhomme vert où maman m'avait emmenée il y a quelques années. Les deux lions devant la maison de retraite ont un regard bienveillant. Ils sont comme les gardiens du lieu. Plus loin, le fleuriste et le Monoprix ont pour moi un contraste flagrant entre le premier où règne l'odeur des sapins et le deuxième où les gens se pressent de finir leurs courses. Je ne prête pas attention au reste de la rue où se trouvent l'hôpital d'un côté et différentes boutiques de l'autre. Au dernier café de mon chemin, j'observe les décorations de Noël posées là depuis le 1er novembre. J'aperçois la librairie, j'y entre et l'accent italien de la libraire, m'ayant bercé toute mon enfance, m'accueille.

 
Bonnes fêtes de fin d'année.

L'année passée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

lundi 28 novembre 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Je est un autre

Cette rue, je la connais par cœur. Je ne prends plus la peine de regarder autour de moi. Non, au contraire, je regarde le sol à la place. Il ne me reste qu'à traverser avant d'arriver. D'un coup, j'entre de plein fouet dans quelqu'un. Sous le choc, je recule de plusieurs pas avant de regarder la personne que j'ai percutée. Je n'en reviens pas. Sur le sol, les quatre fers en l'air, une vieille dame peine à se relever. Je ne peux le croire. C'est la première fois que ça m'arrive avec une personne âgée. Ces dernières ont généralement le réflexe de me contourner, me voyant sans doute dans mes pensées. Je me dirige vers elle et, me confondant en excuses et m'assurant de son état, je lui tends une main pour proposer mon aide. De sa main douce et frippée, elle saisit la mienne et tire. De mon autre main, je prends son épaule et la relève. Après s'être stabilisée, elle me regarde, ouvre la bouche, sur le point de dire quelque chose. Sa bouche grande ouverte reste silencieuse et, d'un regard intense et gênant, elle me fixe. Je ne sais pas quoi faire. Je secoue ma main devant ses yeux et lui demande si elle va bien. Sa réponse ne vient que quelques minutes plus tard.
«Moi !»
Je la regarde et lui demande :
«Pardon ?
—Tu es moi ! dit-elle.»
Je ne comprends pas et la regarde me dévisager, la peur montant en moi.
«D'accord… Madame, je pense que je vais y aller, vous devez avoir des choses à faire…»
Disant cela, je m'éloigne progressivement. Mon dos tourné complètement, j'accélère de plus en plus. je l'entends me crier d'attendre et de revenir. Je continue. Je suis forcée de m'arrêter au passage piéton, la circulation m'empêchant de passer. Elle me rejoint et commence à parler :
«Je ne voulais pas t'effrayer. C'est juste que tu me ressembles beaucoup ; enfin, quand j'étais jeune…
— Ce n'est pas grave, même si vous me faites toujours peur.
— Est-ce que tu t'appelles M. ?
— Oui…
Cette situation me trouble de plus en plus.
— Quelle coïncidence ! Moi aussi !
Je ne réponds rien. Plein de gens s'appellent M., pas que moi. Cette dame ne peut être moi. C'est impossible. Elle réengage la conversation, me posant des questions. Je réponds vaguement, elle semble tout connaître de moi. Je me dis que ce doit être une amie de maman. Maman parle de moi tout le temps. Je lui demande si c'est le cas. Elle me certifie qu'elle ne lui a pas parlé.
Puis elle se met à me parler d'elle et à me raconter plusieurs choses dont elle se souvient de sa jeunesse. Beaucoup ressemblent à des choses que j'ai faites. Comme moi, elle s'est brûlée étant bébé, comme moi elle est une fois entrée à vélo dans un sapin et a fait tomber le dessert de Noël par terre.
Je finis par la croire et murmure : «Vous êtes moi…»


L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

mardi 8 novembre 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Goûts et dégoûts

Le 14 juillet est un jour que j'ai toujours aimé. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de toujours être dans une ambiance de fête. Cette année, je suis chez une amie ce jour-là. Toutes les deux nous sommes un peu folles. Nous avons décidé de faire une séance de relooking cette après-midi, pour patienter avant d'aller voir les feux d'artifice le soir. L'après-midi a déjà bien commencé, et mon amie et moi sommes appelées dans la cuisine pour mettre la table. Nous descendons l'escalier en parlant lorsque j'aperçois Boomerang, l'un des chats se trouvant dans la maison. Je me dirige vers lui et le prends dans mes bras. Il est roux, doux, gentil et mignon ; c'est mon préféré. Je le serre contre moi, ma tête collée contre sa fourrure soyeuse et rejoins la cuisine. Je caresse encore un peu Boomerang avant de le libérer de mon emprise et d'aider à mettre la table. Intriguée par l'odeur et mon estomac gargouillant légèrement, je demande le menu prévu. Je me stoppe brusquement dans mon élan lorsqu'on me répond : «Du camembert au four.» Laissant un petit «ah» neutre échapper de mes lèvres, je pose les verres sur la table, en face des assiettes.

Mes plus anciens lecteurs reconnaîtront peut-être les images piochées ici…

Mon amie et sa mère se tournent vers moi et me demandent : «Tu n'aimes pas ça ?» Je ne sais pas trop quoi répondre : je n'aime pas le camembert mais d'un autre côté je n'en ai jamais mangé cuit au four (sauf dans la pizza, peut-être, mais ça n'a rien à voir). C'est ce que je finis par leur dire… C'est à leur tour de dire «ah». Posant à présent les couverts aux côtés des assiettes placées par mon amie, je suis d'un coup submergée par les voix de mon amie, ses parents et son frère qui vient d'arriver, qui s'étonnent que je n'aime pas ça et que ça a un tout autre goût chaud : que c'est même meilleur. Je finis par leur promettre que j'essaierai le mets. Je pose le sel sur la table et m'assois avec les quatre autres personnes. La mère sort une assiette du four. Je devine que dans le papier d'aluminium se trouve au milieu le fameux fromage. Elle l'ouvre et je m'étonne de n'en voir qu'un. Je demande si un seul suffira. Apparemment oui. Je prends un morceau de pain et le trempe dans le liquide qu'est devenu le fromage. J'admets que ça sent bon. Je porte le pain à ma bouche et goûte. Je ne suis pas fan mais il est vrai que le miel et les herbes changent le goût. Je me nourris principalement de la salade.
Nous finissons de manger en riant avant de nous diriger vers la chambre des parents pour la séance de relooking et les feux d'artifice à Alençon, le soir.

Installation à la MGI pour la restitution – Photos Chloé Devis

L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

jeudi 20 octobre 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Traces du passé

J'entrai dans la cuisine rejoindre maman et papa après que ce dernier m'ait appelée. Un rapide coup d'œil autour de la pièce me donna une idée de la raison pour laquelle j'avais été appelée. La gazinière et le sèche-linge avaient été déplacés au milieu de la pièce et la bassine se trouvait tout près de leur emplacement d'origine. Je soupirai et m'appuyai contre le frigo attendant de savoir ce dont ils avaient besoin. Papa me fit signe d'approcher et me tendit une éponge imbibée de savon. Il me demanda ensuite de me faufiler à l'emplacement des deux appareils ménagers afin de nettoyer le mur et le sol. Je grognai mais m'avançai. Je pris l'éponge du bout des doigts et m'agenouillai devant la fine couche de moisissure recouvrant le mur. Je ne comprendrai jamais comment il était possible qu'il y en ait autant malgré les nettoyages réguliers de maman. Grimaçant, je commençai à frotter essayant d'y toucher le moins possible. Frottant, je vis la forme du conduit d'aération réapparaître. Maman m'arrêta avant que je ne change de côté et me prit l'éponge des mains, la remplaçant par une vieille brosse à dents. Elle me dit de la passer dans la bouche d'aération. Je retirai le grillage la recouvrant et le frottai ainsi que le début du conduit. Je m'apprêtai à remettre la grille en place lorsque je vis, posée à l'intérieur, une chaîne. Je la pris et la mis dans la bassine savonneuse. Je finis ma tâche, repris la chaîne et retournai dans ma chambre.
Le lendemain soir, j'étais seule à la maison. Je sortis de la salle de bain après m'être changée pour la nuit et me dirigeai vers le salon. J'étais en train de sécher mes cheveux avec ma serviette, ce qui me bloquait la vue, lorsque je percutai quelque chose, du moins, c'est ce que je pensai. Je croyais que je m'étais mal dirigée et que j'étais entrée dans le mur mais, levant la tête, je vis devant moi un jeune garçon. Il était maigre et sale, sans doute après avoir été dehors. Sa chemise était trouée aux coudes. Il portait également un short à bretelles, des chaussettes hautes trouées aux orteils et une paire de sandales miteuses. Son visage affichait une expression neutre mais la panique visible dans ses yeux était inquiétante. Pourtant ce qui m'effraya le plus, ce fut les «ruisseaux» d'eau dégoulinante sur tout son corps laissant une flaque à ses pieds. Celle-ci, malgré toute l'eau qui y tombait, ne s'élargissait pas. D'où venait toute cette eau ? Je n'en avais aucune idée. Il ne me fallut que deux secondes avant de faire un bond en arrière et qu'un hurlement aigu ne sorte de ma bouche. Puis, d'un coup, il se volatilisa. Je passai le reste de la soirée assise tout au fond du canapé, emmitouflée dans une couverture à regarder un dessin animé, sursautant au moindre bruit, jusqu'au retour de maman ou papa.
Trois jours plus tard, j'étais toujours hantée par cette apparition. Je n'arrivais pas à l'effacer de ma mémoire. Je m'assis contre le radiateur de ma chambre près de la fenêtre et posai mes mains au sol. Sous ma main droite je sentis l'étoffe d'un de mes foulards. Je le pris et son poids me surprit. Quelque chose était dedans. Je le secouai et la chaîne que j'avais trouvée cinq jours plus tôt en tomba. Je la pris et observai le pendentif qui y était accroché. C'était un médaillon en argent avec en son centre une tige de muguet et, suivant la courbe du cercle, était écrit quelque chose en hébreu. Il devait avoir appartenu à un juif. Une main se posa sur mon genou. Je relevai la tête et écarquillai les yeux, m'apprêtant à crier. Il était revenu. Je commençai à paniquer. Il me regarda dans les yeux, leva doucement sa main et posa son index droit sur ses lèvres, me disant ainsi de me taire. Je ne sais pas pourquoi je l'écoutai et restai silencieuse. Durant quelques secondes, nous nous regardâmes sans rien dire. Sa main était toujours sur mon genou et malgré le fait qu'elle soit toujours mouillée, mon jean restait sec.
«Aide-moi, murmura-t-il.
— T'aider pour quoi ? répondis-je.»
Les jours suivirent, je ne le revis plus, du moins pas directement. J'entendais sa voix dans ma tête. Elle y résonnait dès que je n'étais pas concentrée et que je laissais mon esprit voyager. Il en profitait donc pour me raconter son histoire. Il était charbonnier et n'avait que neuf ans. Il était effectivement juif et la chaîne que j'avais trouvée lui appartenait. Le mois d'octobre suivant son neuvième anniversaire il avait rencontré un magicien à qui il avait refusé quelque chose. L'homme ne l'aurait pas apprécié et aurait provoqué une inondation dans l'appartement du garçon où, ne sachant pas nager, il s'était noyé. La magicien aurait alors enfermé son âme dans le bijou, l'empêchant ainsi de se reposer. À présent, il voulait que je l'aide à libérer son âme.
Je lui donnai sa chaîne et ce qui suivit fut comme une scène de ménage, au sens littéral du terme. C'était comme si un aspirateur avait été allumé. Chaque partie de son corps se transforma en fumée et disparut progressivement dans un râle jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui qu'un petit nuage de poussière flottant dans l'air.
«Merci…»
Photo Chloé Devis

L'année passée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

jeudi 15 septembre 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Objet du passé, 2

Tu es en CM2. Cet été, les Jeux olympiques auront lieu. C'est donc le thème que ton école a choisi pour l'année. Les maîtresses, qui ont fait les équipes, te mettent dans celle de Cuba. Tu es contente de t'y trouver car une de tes amies y est avec sa mère. Tout au long de l'année, ton équipe et toi, vous vous entraînez pour les épreuves tout en préparant le drapeau et les maillots que vous porterez pour le défilé. Le jour des Jeux arrive et toute l'école part au stade Louis-Lumière. Tu es excitée et impatiente. Vous passez les épreuves.  Plusieurs jours après, la fête arrive. Ton équipe se met en rang et vous attendez que l'hymne de Cuba se fasse entendre. Tous passés, vous attendez que les résultats des épreuves soient annoncés. Ton équipe gagne une coupe. Puis des médailles sont distribuées aux élèves. Tu en reçois une en or. Tu es fière. Tu cours la montrer à ta mère. Depuis, elle trône dans ta chambre. Souvent, tu la regardes et tu souris et te souviens de ce moment.
Photo Chloé Devis

L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

vendredi 19 août 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre - Objet du passé

Tu es jeune. Tu dois avoir quatre ans tout au plus. C'est les vacances et, avec tes parents, tu pars passer une partie de tes vacances chez les parents de ton père : tes grands-parents. Chez eux, tu trouves cette petite figurine. Elle n'a rien de particulier. Tu ne sais pas vraiment ce qu'elle représente non plus. Elle n'est pas extrêmement bien peinte mais malgré tout ça, tu l'aimes. Le balais qui tourne dans ses mains t'amuse alors tu le fais tourner. C'est l'heure du goûter. Comme à chaque fois ta mamie te remplit une petite tasse de raisins secs. Tu ne manges que ça à ton goûter, auprès de ton père et de ton grand-père, à qui tu en donnes parfois et qui en prennent même s'ils n'aiment pas ça. Ta figurine est en face de toi. Toujours. Parfois tu joues avec en mangeant, parfois non. Maintenant que tu es grande, tu ne joues plus avec ; comme tu ne prends plus de raisins secs au goûter. Mais elle est dans ta chambre. Parfois tu la regardes, la prends et la tournes dans tes mains avant de la reposer sur l'étagère. Parfois, en regardant des photos de cette époque, tu tombes sur des photos prises lors du goûter. La figurine est là, sur la table, en face de toi, pendant que tu manges. Il n'y a aucune photo de ces moments-là où elle ne participe pas au goûter.
Elle l'avait appelé «le manin».
Une dizaine de photos a été prise de ces moments-là, et j'ai bien eu du mal à choisir celles qui illustreraient son texte. Elle a vingt mois, elles ont été prises il y a très exactement treize ans. S'agit-il d'un vrai souvenir ou du souvenir de ce qu'on lui en a raconté ?

L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.

mardi 19 juillet 2016

Histoire(s) de soi, histoire(s) de l'autre – Mode d'emploi

Doit être laissée à température ambiante ; pas trop froide, pas trop chaude. Le froid l'empêche de bouger, de faire fonctionner ses membres convenablement. Le chaud lui donne des dysfonctionnements techniques. A besoin de carburant. Régulièrement. Sans ça, elle ne peut pas fonctionner à plein temps. A une durée de vie limitée mais indéfinie. Doit rester en mouvement. Vous devez la laisser se reposer le temps qu'elle souhaite. Mais préférablement avec un minimum de quatre heures.
Elle peut être perfectionniste avec certains trucs. Est également très à cheval sur les horaires. 
Mais surtout le plus IMPORTANT est de ne surtout pas la forcer. 
ATTENTION : dans ces cas-là, ne pas intervenir. Attendre que le problème se règle tout seul !
Ses incapacités à fonctionner normalement sont multiples :
(ne pas oublier sa capacité à comprendre ce qui l'entoure)
- elle peut oublier certaines choses,
- ne comprend pas tout ce qui lui est dit.

L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.


samedi 9 juillet 2016

Fin de cycle, nouveau cycle

La douce a obtenu son brevet, mention bien. C'est un diplôme à l'utilité à peu près nulle* et dont l'attribution ne compte ni pour le passage au lycée ni pour l'affectation qui s'ensuit mais il marque la fin du collège – et nous sommes heureux pour elle. Une autre année scolaire aux bons résultats, même si un peu moindres que les précédentes, s'est achevée pour elle avec les compliments du conseil de classe. Une année dans une classe au niveau homogène à la tête de laquelle quelques élèves caracolaient avec des moyennes générales tournant autour de 18/20, un groupe important aux moyennes comprises entre 12/20 et 16/20 et une toute petite poignée aux résultats inférieurs. Si elle n'a pas obtenu le premier lycée figurant dans sa liste de vœux elle est tout de même affectée dans le troisième.
Il s'agit d'un établissement de taille et de niveau moyens (mais avec de bons résultats au bac S), qui affirme aimer enseigner différemment, a noué des partenariats avec Sciences po et, à partir de la première, la rue d'Ulm, et où des élèves de l'école d'ingénieurs de la Ville de Paris et de l'école des Mines viennent assurer à ceux qui en éprouvent le besoin une aide aux devoirs plusieurs fois par semaine. Il accueille les filières scientifique, littéraire et économique et social mais pas de prépas. Moins facile d'accès et moins proche que les deux premiers souhaités, il est situé près de la place Stalingrad. Les enseignants y montent de nombreux projets : échange culturel et linguistique lors duquel un groupe part à Chicago interpréter une pièce de théâtre devant ses homologues américains, projets avec le CNRS, le Centquatre, les jardins d'Éole, la Maison du geste et de l'image, des festivals de théâtre, la Cité des sciences… certains de ces projets varient au fil des ans quand d'autres sont reconduits. Une mise au vert encadrée par des enseignants est proposée aux futurs bacheliers en fin d'année pour leur permettre une bonne préparation aux examens.
Il accueille une section européenne à laquelle seuls onze élèves accèderont en septembre prochain et où la douce n'a pas été acceptée – à croire que ses moyennes d'anglais et d'histoire (près de 18 et de 14) et les appréciations élogieuses qui les acompagnaient ne suffisaient pas ne serait-ce que pour accéder à l'oral de sélection. L'Homme et moi avons appelé afin d'en connaître les critères d'attribution, histoire de comprendre… Comme nous ne sommes apparemment pas les seuls parents à avoir posé la question il se peut qu'une nouvelle sélection se déroule après la rentrée.
De nombreuses options obligatoires comme facultatives y sont proposées. Certaines sont très prisées – et très chouettes : théâtre, russe, suédois, arts visuels, arts plastiques… Le choix de la première option obligatoire est restreint – sciences éco ou éco-gestion – mais concernant la deuxième il faut indiquer ses souhaits par ordre de préférence au moment de l'inscription. Nous ne savons pas encore laquelle lui a été accordée, je crois que nous en serons informés juste avant la rentrée. Comme elle peinait à choisir ladite deuxième option obligatoire et qu'elle hésitait entre plusieurs options facultatives, la douce a été reçue par une conseillère principale d'éducation qui l'a aidée à se prononcer. Je les ai rejointes un peu plus tard, et la dame nous a assuré que l'objectif de ce lycée était le bien-être et l'épanouissement de ses élèves, un discours que je n'avais jamais entendu dans une école publique jusqu'ici. La professeure principale de l'année écoulée y connaît pas mal d'enseignants et a dit à l'Ado qu'elle y serait bien accueillie et qu'elle s'y plairait. Elle lui a d'ailleurs demandé de lui communiquer les noms de ses profs quand elle les saurait. J'ai discuté avec des surveillants lors du retrait du dossier d'inscription, qui m'ont dit que c'était un lycée bien tenu, sans histoires et à l'équipe enseignante dynamique.
Lors des portes ouvertes la douce avait été ravie par cet établissement, moi un peu moins, mais c'est elle qui y passera le plus clair de son temps au cours des années à venir, l'important est qu'elle s'y plaise.
J'avoue ne pas savoir que penser de cette affectation : le principal adjoint, la conseillère principale d'éducation et la prof principale m'avaient assuré à plusieurs reprises que, étant donné le niveau de la classe, la plupart des élèves étaient quasi sûrs d'obtenir l'établissement demandé en premier. À l'arrivée, seuls deux ou trois ont obtenu leur premier choix. On m'avait aussi expliqué que certains établissements n'accueillaient que des élèves qui les avaient demandés en premier, le résultat des affectations dément ces explications. D'ailleurs, même parmi les premiers de sa classe certains fréquenteront l'an prochain le lycée qui figurait en deuxième ou troisième position sur leur liste.
Le lycée demandé en premier par la Perle est un petit établissement situé dans le Marais, entre le musée Carnavalet et la place des Vosges, à moins d'une demi-heure de trajet et d'accès direct. J'avais demandé lors des portes ouvertes quel niveau était requis pour les élèves, on m'avait répondu à partir de 14/20 de moyenne générale. Celle de la douce étant plus élevée je ne doutais pas trop du résultat, malgré les quelque six cents demandes attendues pour environ cent quatre-vingts places en seconde. Elle avait trouvé l'établissement demandé en deuxième trop grand – il accueille mille deux cents lycéens, en plus des collégiens et des prépas – mais les options présentées sympa. Il est en outre situé à quelques stations de tramway de la maison.
Mais depuis 2008 les affectations se font à l'aide d'Affelnet, un logiciel qui ne tient compte que des moyennes annuelles par matière (pas des appréciations ni des mentions et, hormis pour les classes à horaires aménagés ou les sections internationales, encore moins du cursus envisagé ou des options souhaitées alors que ces données peuvent aider les ados à affiner leur choix), auxquelles s'ajoute un système d'attribution de points supplémentaires selon que l'on demande un établissement de son district ou encore que l'on est boursier. Ainsi un jeune peut-il avoir un bon bulletin et ne pas être assuré d'accéder au lycée qu'il aura demandé en premier. (Quatre districts se répartissent les établissements d'enseignement général et technologique à Paris, les établissements techniques échappant à cette règle. Un bonus «premier vœux» et un critère «rapprochement de fratrie» ont existé jusqu'en 2013, où ils ont été supprimés. Un handicap reconnu donne droit à une priorité d'affectation.)
En outre cette année Affelnet n'a pas convenablement rempli sa mission, et a affecté quatre-vingt-trois pour cent d'élèves boursiers à l'un des lycées de notre district, mettant à mal la mixité sociale qu'il est au départ censé favoriser, sans parler des conséquences sur les autres lycées.
À la nouvelle de cette affectation j'ai d'abord été déçue, plus que la douce, mais j'ai d'abord surtout redouté qu'elle se retrouve dans un établissement semblable au premier collège. Renseignements pris, je n'en ai eu que des échos positifs, enthousiastes. Si l'on se demande pourquoi nous l'avons laissée placer cette école si haut dans sa liste de vœux, la simple réponse est qu'elle y tenait.
J'espère que sa première impression comme les préceptes annoncés s'y confirmeront, qu'elle s'y plaira et qu'elle saura saisir les occasions d'enrichissement personnel mises en place.

Il y a tout juste un mois, le matin de l'épreuve d'histoire des arts. 

* Le brevet assorti au bafa permet à Paris de postuler à un emploi d'animateur dans les écoles et centres de loisirs.

vendredi 4 mars 2016

Dictionnaire personnel

Il y a quelques mois la douce a dû composer un dossier autobiographique pour le cours de français. L’occasion de ressortir des photos plus ou moins anciennes, de se se souvenir de jolis moments, de se rafraîchir la mémoire. De se projeter dans l’avenir, aussi. L’une des étapes consistait à établir un dictionnaire personnel. Certains mots étaient imposés, libre à elle d’en ajouter…

Amitié n.f.
Famille de cœur que l’on se crée et se choisit
Amour n.m.
Sentiment que l’on éprouve pour les personnes importantes de notre vie, qui comptent pour nous
Argent n.m.
Chose matérielle compliquant et stressant inutilement les gens qui s’en servent pour obtenir des choses
Avion n.m.
Appareil

Volant

Imitant un

Oiseau

Naturel
Chanson n.f.
Musique exprimée avec le cœur (et la voix)
Collège* n.m.
Centre

d’Otages

Laissant

Les

Élèves

Galérer

Ensemble
Écoles* n.f.
Endroits

Collectifs


Les

Élèves

Souffrent
Filles n.f.
Humaines ressemblant aux garçons à quelques différences près
Garçons n.m.
Humains ressemblant aux filles à quelques différences près
Humain(s) n.m.
Mammifère(s) doué(s) de raison (en théorie)
Livre n.m.
Objet permettant de vivre virtuellement ce qu’on ne peut vivre dans la réalité
Musique n.f.
Sons permettant d’exprimer nos émotions poétiquement, “sans parler”
Théâtre n.m.
Endroit/action nous permettant de devenir qui nous souhaitons de la manière dont nous le souhaitons
Travail n.m.
Vient du latin trepalium, lui-même venant de tripalium, signifiant torturer, tourmenter, permettant de manière gentille de nous obliger à faire des trucs



* Acronyme à prendre avec humour, je ne le pense pas vraiment…