Tu es jeune. Tu dois avoir quatre ans tout au plus. C'est les vacances et, avec tes parents, tu pars passer une partie de tes vacances chez les parents de ton père : tes grands-parents. Chez eux, tu trouves cette petite figurine. Elle n'a rien de particulier. Tu ne sais pas vraiment ce qu'elle représente non plus. Elle n'est pas extrêmement bien peinte mais malgré tout ça, tu l'aimes. Le balais qui tourne dans ses mains t'amuse alors tu le fais tourner. C'est l'heure du goûter. Comme à chaque fois ta mamie te remplit une petite tasse de raisins secs. Tu ne manges que ça à ton goûter, auprès de ton père et de ton grand-père, à qui tu en donnes parfois et qui en prennent même s'ils n'aiment pas ça. Ta figurine est en face de toi. Toujours. Parfois tu joues avec en mangeant, parfois non. Maintenant que tu es grande, tu ne joues plus avec ; comme tu ne prends plus de raisins secs au goûter. Mais elle est dans ta chambre. Parfois tu la regardes, la prends et la tournes dans tes mains avant de la reposer sur l'étagère. Parfois, en regardant des photos de cette époque, tu tombes sur des photos prises lors du goûter. La figurine est là, sur la table, en face de toi, pendant que tu manges. Il n'y a aucune photo de ces moments-là où elle ne participe pas au goûter.
Elle l'avait appelé «le manin».
Une dizaine de photos a été prise de ces moments-là, et j'ai bien eu du mal à choisir celles qui illustreraient son texte. Elle a vingt mois, elles ont été prises il y a très exactement treize ans. S'agit-il d'un vrai souvenir ou du souvenir de ce qu'on lui en a raconté ?
L'année écoulée a vu la classe de la douce s'impliquer dans ce projet en partenariat avec la Maison du geste et de l'image et la Ville. Ses professeures de français et de mathématiques, l'écrivaine Carole Achache et la photographe Chloé Devis ont conduit des ateliers thématiques autour de l'autoportrait, du quartier, des objets du passé, des goûts et dégoûts… Carole Achache est décédée à la fin de l'hiver, les ateliers ont continué. Une restitution de ce travail de longue haleine s'est tenue le 17 juin dernier à la MGI.
4 commentaires:
Chez les grands parents, il y a toujours des objets qui nous fascinent.
Belle histoire bien émouvante.
Bises.
Exactement,
Je t'embrasse !
J'aime beaucoup celle avec son père
La force des regards…
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