«“Très épatant, tout de
même, le nu… Ça fiche une note sur le fond… Et ça vibre, et ça prend une sacrée
vie, comme si l’on voyait couler le sang dans les muscles… Ah ! un muscle
bien dessiné, un membre peint solidement, en pleine clarté, il n’y a rien de plus
beau, rien de meilleur, c’est le bon Dieu !… Moi, je n’ai pas d’autre
religion, je me collerais à genoux là devant, pour toute l’existence.”
Et, comme il était obligé de
descendre chercher un tube de couleur, il s’approcha d’elle, il la détailla
avec une passion croissante, en touchant du bout de son doigt chacune des
parties qu’il voulait désigner.
“Tiens, là, sous le sein gauche,
eh bien, c’est joli comme tout ! Il y a des petites veines qui bleuissent,
qui donnent à la peau une délicatesse de ton exquise… Et là, au renflement de
la hanche, cette fossette où l’ombre se dore, un régal ! Et là, sous le
modelé si gras du ventre, ce trait pur des aines, une pointe à peine de carmin
dans de l’or pâle… Le ventre, moi, ça m’a toujours exalté. Je ne puis en voir
un, sans vouloir manger le monde. C’est si beau à peindre, un vrai soleil de
chair !”» Chap. IX, pp. 288-289
L’Œuvre
Émile Zola
Le Livre de poche