Au printemps dernier dans le bus une toute petite fille de neuf mois a
eu un coup de cœur pour ma Perle et le ciré qu'elle portait. Elle en a attrapé un bout de pan pour ne le lâcher que lorsqu'il nous a fallu descendre et, pour la première fois, au grand ravissement de sa maman et de ma Demoiselle, nous a dit au revoir de la main. Parfois dans les transports en commun je vois de jolis jeunes hommes, qui posent sur moi un regard bienveillant. J'en oublie mon aspect et mon âge plus que canonique. J'ai emprunté lundi le nouveau tronçon du tramway. Confort incomparable. Je pensais (et n'étais pas la seule) qu'une même rame ferait le tour de la ville, mais non. Je ne sais pas combien de tronçons sont prévus au final – trois ou quatre ? – j'ai juste entendu l'autre jour à la radio que le 16e se montrait réfractaire au projet – étonnant, non ? Le nom de beaucoup de stations (la moitié, me semble-t-il) a été changé, pour rendre hommage à des femmes, et c'est assez déstabilisant quand on emprunte la ligne pour la première fois et qu'on ne sait pas exactement où se situent les arrêts, à quoi ils correspondent par rapport à nos repères habituels. Ce nouveau mode de transport place la porte de Vincennes à un quart d'heure, vingt minutes de la maison et c'est extra. Le temps des correspondances, en revanche, est encore aléatoire. J'ai mis une heure et demie à rentrer depuis le 12e arrondissement et j'ai entendu une dame raconter qu'il lui avait fallu trois quarts d'heures pour aller de la porte de St-Mandé (Alexandra-David-Néel pour le tram) à celle de Bagnolet, quelques heures plus tôt, mais on attribuera ça à la période de rodage. Les arrêts sont encore plus ouverts à tous les vents que ceux des bus et je suis arrivée frigorifiée. Je crois qu'une rame de tramway peut accueillir autant de passagers que trois bus mais l'heure de pointe y reste l'heure de pointe…
La pluie qui tombe sur Paris est acide et, pour peu que l'on se soit laissé surprendre, brûle le visage même si la peau a convenablement été hydratée auparavant.
J'ai assisté à mon tout premier conseil de classe de toute ma vie la semaine dernière. Lorsque le nom de la Demoiselle a été évoqué les enseignants ont tous affiché un grand sourire. Elle a leurs félicitations. J'ai été surprise du rythme soutenu auquel cela s'est déroulé mais les profs en avaient un autre dans la foulée. Quand ils disent que leur classe est hétérogène les enseignants sourient souvent mais je me demande à quel point c'est bien quand j'observe ou entends parler de l'attitude de certains oiseaux rares. Malgré ses excellents résultats, depuis les dernières vacances, mon Tourbillon a décompté chaque jour qui la séparait des prochains congés. Elle revient déjeuner le lundi depuis la dernière rentrée, pour ne plus avoir à trimballer son sac si lourd ce jour-là. Je pensais que ça allait mieux, qu'elle s'était faite au rythme de ses semaines grâce entre autres à cet aménagement mais elle a eu une nouvelle (petite) crise de désespoir pas plus tard que la semaine dernière. Avec son emploi du temps à la noix elle est sur les rotules dès le mercredi midi, d'autant qu'elle trouve toujours moyen de ne pas se coucher tôt – elle attend son père et fait traîner les choses avec une rare maîtrise dans l'espoir de grappiller quelques minutes avec lui avant de s'endormir. Elle ne pratique plus qu'une activité, le piano. Nous n'avons pas visité d'expo depuis l'été dernier et cela me manque. Je ne sais pas si je mettrai à profit les prochaines vacances pour me rattraper, je n'aime pas exactement les bains de foule et j'ai perdu le fil de ce que j'aurais voulu voir. Les relations se sont apaisées entre le principal du collège et les parents d'élèves et c'est tant mieux parce qu'une année entière dans une atmosphère conflictuelle aurait été détestable en tous points. Au printemps prochain la Demoiselle partira cinq jours en Franche-Comté avec le collège. Ce sera sa première fois loin de nous, hors de la famille, si longtemps. Elle n'est jamais partie en classe découverte – les crédits de la Ville ont été réduits – et si nous lui avons plusieurs fois proposé de partir en colo elle n'a jamais voulu en entendre parler. Elle est cette fois-ci demandeuse. Ce sont les professeurs de sport qui organisent ce séjour. Lorsque je me suis présentée à sa prof j'ai eu droit à un grand sourire. Elle m'a aussi identifiée comme «parent d'élève» et m'en a remerciée, disant que les enseignants avaient besoin que des parents s'investissent. Ça m'a fait chaud au cœur.
Un groupe sévit en bas de chez nous et des immeubles avoisinants depuis quelques mois. Je pensais qu'ils tenaient les murs et accessoirement les cages d'escalier mais il s'agit de dealers. Des filles les rejoignent parfois, dont une avec un bébé. J'ai entendu dire que les garçons filmaient leurs ébats avec elles grâce à leurs téléphones portables. Quelle idée ont-ils des relations humaines ? Quelle vie la (trop) jeune maman prépare-t-elle à son bébé ? Qui sont les parents de ces ados ? On voit régulièrement la police les courser, sans y pouvoir grand-chose car ils sont mineurs. Des vigiles circulaient régulièrement aussi à un moment donné ; on ne les voit plus. De toute façon ils n'empêchaient pas grand-chose non plus, surtout une fois leur dernière tournée effectuée. Ce n'est pas exactement l'environnement dont je rêvais pour ma seule et unique enfant. Je n'ai jamais aimé cet endroit même si, au fil du temps, j'y ai fait de belles rencontres, et je voudrais maintenant plus que jamais le quitter mais nous sommes coincés, il faudrait que je trouve un emploi fixe. Nous sommes ici depuis exactement dix ans et je me languis toujours de mon ancien quartier, surtout quand je vois tous les aménagements qui y ont été apportés depuis notre départ. Notre appartement actuel est incomparablement plus confortable que ceux que nous avons quittés à l'époque mais je ne peux empêcher l'émotion de poindre lorsque je retourne par là-bas, même si je n'y connais plus personne. J'y retourne assez souvent : Coopaname n'en est pas loin, ma marchande de laines non plus. La tour dans laquelle nous vivons fait partie du parc de logements intermédiaires de la Ville de Paris, elle est entourée d'autres immeubles du même style, moins hauts et plus longs. Quand nous sommes venus avec notre bon de visite, la première fois, en la voyant, je me suis dit : «Non, pourvu que ce ne soit pas là.» J'avais beau tenter de lui trouver quelque chose de joli ou d'un tant soit peu harmonieux visuellement, je n'y parvenais pas. Nous avons postulé pour l'appartement en pensant qu'on ne l'obtiendrait pas et pour que notre dossier ne se trouve pas stratifié, nous l'avons tout de même décroché. Pas moyen de faire machine arrière, l'attitude aurait été inqualifiable alors que tant de gens attendent pendant si longtemps et qu'il y a tant de mal logés mais depuis que nous vivons ici j'ai l'impression d'être prise dans une descente dont je me demande si elle prendra jamais fin et quand. L'Homme tient le coup, en faisant je crois le dos rond. Sans lui nous serions à la rue. Comme tous les ans, au moment des fêtes de fin d'année, il a reçu des chocolats de ses élèves. L'une d'elles lui a offert une grande boîte d'After Eight. Je crois bien que je n'en avais pas mangé depuis trente ans. Lundi soir, alors que j'attendais le tram, je suis entrée chez un vrai chocolatier. C'est le nom de l'enseigne qui m'a attirée, il m'a semblé reconnaître celle d'un pâtissier-traiteur de la rue d'Avron chez lequel je suis parfois allée lors d'occasions particulières mais après recherches je me suis aperçue que ma mémoire m'avait trahie. J'y suis d'abord allée «pour voir», j'en suis ressortie avec un petit sachet de chocolats fins que j'offrirai. Et aussi un sachet contenant un mélange de bonbons à la violette et aux coquelicots.
2 commentaires:
En lisant ton article je m'aperçois combien la vie parisienne est "différente" de ce que je peux connaître... Bon courage à vous trois. Gros bisous
Je crains que ce billet ait particulièrement été parisianiste. Je n'ai pas eu le courage d'y intégrer de liens explicatifs, notamment concernant l'itinéraire du tram, les distances parcourues, etc.
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