samedi 30 août 2014

Voici que la saison décline


Voici que la saison décline,


L’ombre grandit, l’azur décroît, 
Le vent fraîchit sur la colline, 
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

Août contre septembre lutte ; 
L’océan n’a plus d’alcyon ; 
Chaque jour perd une minute, 
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.

Victor Hugo, Dernière gerbe

mercredi 27 août 2014

Farniente dominical



Une façon comme une autre de prendre le soleil. Ma proposition d'aller faire un tour au Parc floral n'a de son côté éveillé aucun intérêt.

mercredi 20 août 2014

À Giverny : maison et jardin de Claude Monet • Bruxelles, une capitale impressionniste

Profitant des quelques journées ensoleillées de la fin juillet nous avons pris le train pour Giverny. Je ne dirai pas grand-chose qui ne l'ait déjà été sur la maison de Monet et son jardin, le site de la fondation qui porte son nom et quelques autres permettent de bien s'informer, mais je garde en mémoire le plaisir et l'émotion ressentis à visiter les lieux, le ravissement des yeux, du nez (et d'un point de vue plus terre-à-terre je n'aurais rien contre une cuisine comme celle-là !)
Ce n'est probablement pas le meilleur moment de l'année pour s'y rendre quand on n'aime pas trop la foule et le jardin est paraît-il encore plus beau au mois de juin mais, s'il y avait du monde, on y circulait néanmoins très bien. Avec plus de cinq cent mille visiteurs chaque année ce jardin serait le plus visité de France, on ne peut donc espérer s'y trouver seul.


L'allée centrale depuis le perron de la maison…


… et depuis l'autre extrémité.


Les prises de vues du mobilier et des tableaux sont interdites à l'intérieur. On peut en revanche photographier le jardin depuis les fenêtres. Les tableaux sont des répliques habilement exécutées, les originaux étant dispersés dans différents musées. Le mobilier est celui du maître et a joliment été restauré. Les tapis sont élimés, et le fauteuil dans sa chambre porte d'émouvantes traces d'utilisation.


J'ai un peu triché mais ces explications sont à prendre dans le vestibule avant l'atelier, où se trouvent les répliques d'estampes japonaises, pas dans la pièce même, et je m'étais orientée vers la fenêtre avant d'appuyer sur le déclencheur. Nos pas nous ont ensuite menés au jardin d'eau. Cette partie de la propriété, acquise plus tard par Claude Monet en deux temps, était séparée de la maison par une voie de chemin de fer et aujourd'hui par une route. On traverse un petit tunnel pour y accéder. Le terrain ne ressemblait en rien à ce que l'on admire aujourd'hui, et Monet a dû batailler pour pouvoir dévier un bras de l'Epte, la rivière voisine, afin de l'aménager à son idée.


Le fameux pont, peint en vert pour se différencier de ses modèles japonais habituellement rouges…


Le jeune homme peignait sa compagne…


… qui elle-même peignait ce saule pleureur.


À l'issue de notre tour nous nous sommes rendus au musée des Impressionnismes, où se déroule une exposition consacrée aux impressionnistes belges. L'abord du musée est très agréable, avec des parterres monochromes accueillant le visiteur. Une prochaine fois nous commencerons notre périple par ce musée afin de profiter pleinement de son jardin car cette fois-ci nous étions déjà bien fatigués lorsque nous y sommes arrivés.


Je ne connaissais aucun de ces artistes même si certaines toiles, pour les avoir vues à Orsay qui en a prêté pas mal pour l'occasion, ne m'étaient pas inconnues. On entend je crois plus facilement parler des peintres flamands de la Renaissance, de René Magritte ou même de Paul Delvaux que des impressionnistes belges mais la Belgique a accueilli ce mouvement avec bien plus d'enthousiasme que la France, où cette nouvelle façon de reproduire la réalité a commencé par scandaliser. Peut-être était-ce dû à la jeunesse de ce royaume et à son dynamisme économique (la révolution industrielle belge est, juste après celle de l'Angleterre, la première du continent européen). L'exposition présente une centaine d'œuvres réparties dans quatre grandes salles, surtout des tableaux mais aussi des affiches et des catalogues des salons des XX et de la Libre Esthétique, les deux principaux groupes artistiques qui encouragèrent les avant-gardes belge et européenne et au sein desquels se développa l'impressionnisme.



L'occasion aussi d'en apprendre sur les mouvances de l'impressionnisme. Je connaissais bien sûr le pointillisme mais je n'avais jamais entendu parler du luminisme ni des vagues paysagiste ou naturaliste.

Le Pique-nique, Émile Claus, 1887.

Le musée des Impressionnismes a profité de la fermeture pour travaux du musée d'Ixelles à Bruxelles pour ograniser cette expostion, mais certaines œuvres proviennent d'autres lieux, comme ce tableau qui jusqu'ici n'avait jamais quitté la collection royale. Au premier plan, un petit groupe de condition modeste se prélasse au bord de l'eau. Au fond, peint par petites touches, un pique-nique bourgeois. Le reportage en fin de billet analyse les registres picturaux de l'œuvre.

Le Thé au jardinThéo Van Rysselberghe, 1903, musée d'Ixelles.

Madame Van de Velde et ses enfants, Théo Van Rysselberghe, 1903, musée du Petit Palais, Genève.

Ce tableau-ci est accroché à côté du Thé au jardin, avec les teintes duquel il s'harmonise parfaitement, renvoyant la même impression de sérénité. 

Le Grand Intérieur ou le Déjeuner, Jos Albert, 1914, propriété de la Communauté française, en dépôt au musée d'Ixelles.

Distinguez-vous la tête du garçonnet, près de sa mère ?


Le Verger, George Morren, 1890, collection particulière.


Entre peinture intimiste et réaliste mais toujours d'esprit champêtre, le Vieux Jardinier d'Émile Claus, réalisé en 1885. Une salle entière est consacrée à cet artiste, chef de file du luminisme qui loua un atelier à Paris de 1889 à 1891. Il occupa cet atelier l'hiver pour retourner chez lui dans les Flandres aux beaux jours.


La Levée des nasses, Émile Claus, 1893, musée d'Ixelles.


Ce diaporama, daté de 2011, donne un aperçu de son œuvre.

Hiercheuse descendant à la fosseConstantin Meunier, sans date,  musée des Beaux-Arts de Charleroi.

D'autres tableaux illustrent la condition ouvrière.

Les Âges de l'ouvrier, Léon Frédéric, 1895-1897, musée d'Orsay.

Sur ce tryptique qui par sa conception rappelle l'âge d'or de la peinture flamande aucun personnage ne sourit à l'exception, peut-être, de l'un des petits joueurs de cartes en bas à droite du panneau central, dont on aperçoit les dents. On trouvera une explication de tous les symboles qui se cachent dans chacun des panneaux sur ce site du ministère de la Culture, qui n'offre malheureusement pas la possibilité d'exporter ses vidéos.

Émile VerhaerenThéo Van Rysselberghe, 1915, musée d'Orsay.

Apprend-on encore des poèmes d'Émile Verhaeren, grand ami des impressionnistes, de nos jours ?


Le billet à cette exposition donne aussi accès à la toute jeune collection permanente (le musée des Impressionnismes fête ses cinq ans cette année), où sont réunies dans une grande pièce des œuvres de Monet et de peintres se réclamant de son influence.

musée des Impressionnismes Giverny
99, rue Claude-Monet 
27620 Giverny
tél. 02 32 51 94 65
Jusqu’au 2 novembre 2014
de 10 h 00 à 18 h 00, jours fériés compris, 
possibilité de coupler les billets d'entrée avec ceux de la Fondation Claude-Monet

On trouvera un passionnant billet bien plus érudit que le mien chez Froggy's Delight.
***
La Fondation a mis au point un livret ludique pour les enfants de moins de 10 ans, qui existe en français et en anglais et que l'on peut retirer au guichet de l'entrée principale. Les billets achetés à l'avance étant coupe-file, on accède au Clos normand par une autre entrée qui ne les propose pas, il faut donc regagner le premier guichet pour en prendre.
Nous avions envisagé de pique-niquer sur place et d'entrer chez un traiteur ou un boulanger acheter de quoi manger afin de voyager léger mais, hormis des restaurants (dont un, il est vrai, propose des casse-croûtes à emporter), il n'y a pas le moindre commerce alimentaire à Giverny : des cafés, des hôtels, des chambres d'hôtes, des ateliers d'artistes autant que l'on veut mais rien pour les besoins du quotidien, alors que par le passé on a pu y trouver pas moins de huit cafés-épiceries. Des cars assurent une navette entre la gare la plus proche, à Vernon, et Giverny, sept kilomètres plus loin, mais le temps est trop compté pour faire des emplettes avant leur départ. Les visiteurs motorisés n'auront pas de problème de ravitaillement, les autres s'atableront dans un restau ou feront comme nous et emporteront leur repas dans un sac à dos… On ne peut bien entendu pas manger dans les jardins du Clos normand, et nous n'avons pas vu d'aire à proximité où nous installer à l'extérieur, aussi nous sommes-nous rabattus sur un banc près de l'entrée de la maison.
Vernon a également son musée, que nous n'avons pas visité faute de temps, ce sera pour une prochaine fois…

jeudi 14 août 2014

Gâtée par miss T

À chacun de ses voyages ou presque Miss T publie une devinette avec, à la clé, une petite chose issue de ses mains pour la personne dont le nom aura été tiré au sort. J'y réponds régulièrement pour m'amuser, histoire de participer, sans nécessairement espérer emporter quoi que ce soit. Cette fois-ci j'ai été chanceuse, et ma bonne réponse m'a valu cette broche taillée dans un joli tissu et bordée au crochet.


Elle réhaussera joliment mon étole noire l'hiver prochain.



L'œil du volatile a été enrichi d'une perle de rocaille.


L'envers est aussi soigné que l'endroit.

Merci Miss T !

mercredi 6 août 2014

PortéE

À la demande générale de ma première commentatrice


Si tu t'arrondis, tu auras l'air d'une arche.


Il faut maintenant négocier pour obtenir la pose – se tenir droite n'était pas exactement au programme. La tunique est un peu large mais la Demoiselle est en pleine métamorphose, elle devrait lui aller bien dans peu de temps.



 En mouvement.

dimanche 3 août 2014

Le pêcher

«Quand papa mange une pêche et qu'il la trouve bonne, il suce le noyau bien à fond bien propre et il le met dans sa poche, dans une des poches de sa veste qui pendent de chaque côté comme des musettes. Le noyau de pêche retrouve là d'autres noyaux de pêche, arrivés avant lui, qui se sont fait un nid parmi les boulons, les rondelles, les clous “à bateau” et toutes ces merveilles rouillées que je vous ai dit qu'il y a dans la poche à papa. Le noyau restera là, avec ses copains, cahoté dans les ferrailles jusqu'à ce que papa trouve un coin de terre où le planter. Ce sera peut-être dans le jardin d'un pavillon qu'il construit ou qu'il ravale, pas au milieu de la pelouse, bien sûr, mais dans un endroit à l'écart que ne risquent pas de ravager la bêche ou la tondeuse. Par exemple, derrière le tas de fumier. Si le chantier dure assez longtemps, papa voit sortir la première pousse, et puis la tige monter, les premières feuilles s'ouvrir. Il ne dit rien à personne. Il est tout content au-dedans de lui. Il va de temps en temps pisser sur le tas de feuilles mortes et de crottes de lapin, fumier citadin qui mûrit tout doucement en beau compost noir. Le propriétaire félicite cet homme de la terre qui arrose son fumier de belle urine de travailleur propre à activer les fermentations mystérieuses d'où procède toute vie, c'est comme ça que ça cause, dans le dedans de sa tête, un propriétaire. C'est parce que ça lit des livres. Papa, c'est son pêcher qu'il est venu visiter. Il surveille, approbateur, les tendres feuilles encore transparentes, laisse tomber un long jus de chique juste au pied – qué il tabaque, il est bon pour touer la vermine – et il s'en retourne à sa gâchée de mortier, trois brouettes-un sac, en chantonnant sa petite chanson.
Il y a des chantiers où l'on ne reste qu'un jour ou deux, de la bricole. Papa trouve toujours moyen d'y mettre en terre, juste à bonne profondeur – troppo parfonde, tou la touffes, troppo en l'air, i sèche, ma quante qu'il est zouste bien coumme i faut, alors il est contente, i pousse, et i donne les pêces, ecco –, derrière un massif de buis taillé en sucette, dans le maigre intervalle entre un aucuba glaireux et un mur sinistre… Si le bourgeois méticuleux ne l'arrache pas comme mauvaise herbe, le pêcher, à peine la dernière neige fondue, pointe son nez, se pousse du col vers la lumière, tout là-haut, et, en trois ou quatre saisons, fleurit et donne des pêches, à la surprise charmée du bourgeois, de la bourgeoise et de leurs petits bourgeoisons binoclards. Papa, chaque fois qu'il passe par-là, il jette un coup d'œil par la grille ou même, carrément, entre sans façon, comme pour vérifier si le ravalement ne cloque pas, et il fait un bout de causette à son pêcher. Il y a, dans les jardins de la banlieue Est, une ribambelle de pêchers de tout âge qui sont les enfants de papa. Lui seul le sait – et moi, mais il ne sait pas que je le sais. Ça lui tient chaud au cœur d'avoir comme ça des copains partout. Si quelqu'un lui voulait du mal, une armée de pêchers se lèverait d'un seul jet et acourrait lui faire un rempart de leurs troncs.»

Les Ritals
François Cavanna
Le Livre de poche

Je pense toujours à ce passage quand je mords dans une pêche et je rechigne à en jeter le noyau me disant que, peut-être, un jour, je pourrai trouver un endroit où l'enterrer afin qu'il donne un arbre. Me revient aussi le souvenir fugace de mon grand-père – qui n'était ni maçon ni italien – bâtissant avec son fils, un de ses gendres et celui de ses frères dont il se sentait le plus proche une aile supplémentaire à sa maison, destinée à accueillir les enfants puis, plus tard, les petits-enfants. De mon grand-père dans son jardin, qui savait greffer les arbres et, ainsi, nous avait préparé le greffon d'un brugnon et d'un pêcher blanc, un hybride qui plus tard donna des fruits d'une saveur inégalée. Il en avait auparavant planté un chez lui, bien sûr, qui lorsqu'il n'a plus donné a servi de tuteur à une glycine.

Été 1973 ou 1974, le seul cliché que j'aie de nous deux. Le jardin n'en était qu'à ses débuts.

La maison n'était objectivement pas très belle mais avait été améliorée par la suite. Après avoir connu bien des déboires avec la précédente, emboutie plusieurs fois par des camions car située à l'angle d'une (trop) petite rue qu'ils avaient pris l'habitude d'emprunter pour gagner quelques minutes, mes grands-parents, menacés d'expropriation et quelque peu paniqués, s'étaient arrêtés dans un village-expo où ils avaient trouvé et acheté ce modèle-ci dans la foulée, presque sur un coup de tête. Ils l'avaient fait construire pas très loin de celle qu'ils quittaient, dans une rue plus large et moins passante. Le jardin s'était épanoui au fil des ans : ma grand-mère raffolait des fleurs et mon grand-père adorait ma grand-mère. Les floraisons succèdaient aux floraisons, quelle que soit la saison. Lorsque nous nous y rendions aux beaux jours un festival de couleurs et de senteurs nous accueillait. Roses de toutes sortes, camélia, magnolia, forsythia, lilas, buddleia, althéa, groseillers fleurs, laurier rose, dahlias, rhododendrons, bruyères, iris, lys, ancolies, pivoines, fuchsias… et aussi de la sauge, du thym, de la ciboulette, de la menthe…
L'un des rosiers venait du jardin du grand-père de ma grand-mère, autant dire qu'il était précieux. Mon grand-père nous en avait également préparé un greffon, qui nous a suivi quand plus tard nous avons changé de maison. Lorsqu'il a fallu la quitter pour un appartement, ne voulant pas l'abandonner, ma mère l'avait donné à des voisins qu'elle aimait bien.
Mon grand-père est parti peu de temps après mon retour de Californie, alors que le jardin commençait à ressembler à ce qu'avec ma grand-mère ils avaient projeté. Ma grand-mère a mené l'idée à bien, puis est partie à son tour il y a onze ans. La maison a été vendue mais ses nouveaux occupants n'ont pas pris soin du jardin. Comme je n'en ai pas de photos je l'ai retrouvée grâce aux cartes de mon moteur de recherche. La prise de vue datait d'un an tout juste, la maison était de nouveau en vente et le jardin ressemblait à une friche. Seuls quelques arbres peuvent rappeler à ceux qui l'ont connu sa beauté passée.